D’une famille illustre et depuis longtemps habituée aux honneurs consulaires, Cyprien avait enrichi l’héritage de ses aïeux par l’éclat d’un grand talent et d’une rare éloquence.

On le considérait comme le rempart de l’idolâtrie expirante. La vérité sollicita longtemps son cœur livré aux passions du monde, et ce ne fut qu’après de mûres délibérations qu’il se rendit à la voix d’un saint prêtre, son ami Coecilius, dont il voulut par reconnaissance porter le nom. Les païens lui rendirent en sarcasmes ce que son éclatante conversion jetait de discrédit sur leurs doctrines. Ils le nommaient ironiquement Coprien, par une allusion de son nom à un mot grec qui signifie fumier. Mais les humiliations de l’Évangile paraissent glorieuses au nouveau disciple de la croix. Il en embrasse avec ferveur les saintes austérités. Ses richesses patrimoniales, qu’il avait augmentées par des charges lucratives, sont distribuées aux pauvres. Il se voue à la continence parfaite, revêt l’humble manteau des philosophes chrétiens, et commence à étudier l’Écriture, non pour satisfaire un vain désir de science, mais pour y chercher des règles de conduite. Parmi les ouvrages ecclésiastiques, le néophyte affectionne surtout ceux de son compatriote Tertullien, avec lequel son génie a de grandes affinités. Tous les jours il en lit quelques passages, et quand il demande à son secrétaire les œuvres du célèbre docteur, il a coutume de dire : « Donnez-moi le maître. »

Pour répondre aux reproches de ceux qui lui demandent compte de sa conversion, Cyprien écrit d’abord son livre de la Vanité des idoles, où il prouve l’absurdité du culte idolâtrique, démontre l’unité de Dieu et la divinité de Jésus-Christ. Bientôt après, il expose l’ensemble de la religion, ses dogmes fondamentaux et leurs conséquences morales, dans son traité des Témoignages, presque entièrement composé de sentences extraites des saintes Écritures.

Le philosophe chrétien fit des progrès si rapides dans la perfection, sa vie devint si édifiante, que les fidèles réclamèrent avec instance son élévation à la dignité du sacerdoce. Un an après (248), le siège épiscopal de Carthage étant devenu vacant, ils demandèrent Cyprien pour évêque. Cet honneur, dont il se croyait indigne, il aurait voulu « le laisser à ses aînés dans la foi, » mais le peuple assiégeait sa demeure et en fermait toutes les issues. Le modeste prisonnier fut porté malgré lui sur la chaire pastorale, où son élection fut confirmée par le jugement des évêques de la province et les acclamations de la multitude.

En 250, l’empereur Dèce ouvrit la septième persécution générale. Une des premières victimes de l’église d’Afrique fut l’évêque de Carthage.

Cyprien aux lions ! criait la foule ameutée contre l’ennemi des idoles. Le saint pontife crut, en se retirant, apaiser la violence de la sédition. Il fut proscrit, sa tête mise à prix et ses biens confisqués. De sa retraite, où il demeura quinze mois, il assistait son troupeau par ses exhortations, ses encouragements, ses prières ; mais il eut la douleur de voir ses efforts trop souvent inutiles. Parmi les chrétiens traînés devant les tribunaux, les uns avaient confessé leur foi jusqu’au martyre ; d’autres, vaincus par les tortures, ou même à la première sommation, avaient sacrifié aux idoles ; d’autres enfin avaient acheté à prix d’argent leur inscription sur les listes d’apostasie, croyant sauver ainsi leur foi avec leur vie. Cyprien se montra justement sévère pour tous ces tombés, pour les prêtres qui les recevaient sans pénitence à la communion, et pour les martyrs et confesseurs qui leur donnaient des billets d’indulgence. Cette grande fermeté ne l’empêcha point de demander, au concile de Carthage, une indulgence plénière pour tous les tombés (252). Vers le même temps, cette ville fut dévastée par la peste. Le pontife exhorta les fidèles à assister les victimes du fléau, sans distinction de croyance, à pratiquer envers leurs persécuteurs eux-mêmes la charité chrétienne, qui devenait ainsi un héroïque dévouement.

Consulté par des évêques de Numidie sur le baptême conféré par des hérétiques, Cyprien s’était déclaré pour la nullité d’un tel sacrement. Ce fut le point de départ d’une discussion regrettable, si toutefois les lettres attribuées à l’évêque de Carthage ne sont pas l’œuvre malhonnête des donatistes. S’il pécha par trop de vivacité, dit saint Augustin, il lava bien sa faute dans le sang de son glorieux martyre.

La huitième persécution générale avait commencé. A la première nouvelle des édits contre les chrétiens, l’évêque de Carthage avait écrit, en style brûlant, une Exhortation au martyre, qu’il adressait à tous les fidèles de son église. Il fut pris le premier et conduit devant le proconsul d’Afrique, nommé Paternus, qui se contenta de l’envoyer en exil à Curube, port de mer, à une vingtaine de lieues de Carthage. Mais Galère Maxime, successeur de Paternus, animé de sentiments plus hostiles, donna l’ordre de conduire le saint évêque au prétoire. Une immense multitude vint assister à l’interrogatoire de l’illustre docteur. « Es-tu Thascius Cyprien ? » lui demanda le proconsul. — « Je le suis, » répondit le pontife. — « Es-tu l’évêque de ces sacrilèges chrétiens ? » — « Je le suis. » — « Les augustes empereurs ordonnent de sacrifier aux dieux. » — « Je ne sacrifierai pas. » — « Songe à ce que tu veux faire. » — « En une chose si juste, il n’y a point à délibérer. Exécutez les ordres que vous avez reçus. » La sentence fut portée, et le proconsul lut ce décret : « Cyprien sera puni par le glaive. » — « Deo gratias ! » répondit le généreux évêque. Les chrétiens, mêlés à la foule, s’écrièrent alors : « Qu’on nous fasse mourir avec lui ! » Une scène tumultueuse suivit le jugement : le proconsul donna l’ordre de conduire saint Cyprien hors de la ville, pour prévenir la sédition qu’il craignait. L’évêque de Carthage se banda lui-même les yeux ; un prêtre et un diacre, qui l’accompagnaient au lieu du supplice, lui lièrent les mains ; il fit remettre vingt-cinq pièces d’or à l’exécuteur, et présenta sa tête au bourreau, qui l’abattit d’un coup (14 septembre 258).

Réflexion pratique

Les maux que nous endurons pour Dieu sont autant de gains pour notre âme : aimons donc les souffrances, ou du moins sachons nous y résigner.

Panier

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