Émile, comte de Laon, et son épouse Célinie étaient avancés en âge, lorsqu’un saint ermite, nommé Montan, les avertit de la part du Seigneur qu’il leur naîtrait un fils dans leur vieillesse, pour la gloire de l’Église et de la Gaule. « Son premier miracle, » ajouta-t-il, « sera de me rendre la vue. »

En effet, le jour où naquit Rémi, le pieux ermite, qui était aveugle, recouvra subitement la lumière. Son éducation terminée, Rémi s’enferma dans une solitude voisine de sa ville natale avec son frère de lait, Soussin, qui voulut partager sa retraite. Ils y vivaient depuis quatre ans, lorsque le siège épiscopal de Reims vint à vaquer. Le peuple et le clergé de cette ville acclamèrent tous d’une voix Rémi : « Il est digne, » disait-on ; « c’est l’élu de Dieu ; il sera notre père ! » On courut en foule à sa cellule. Ignorant ce qui venait de se passer, il n’eut pas le temps de fuir. Tout en larmes, il supplia ce peuple d’avoir pitié de son adolescence. Il protesta contre la violation des règles de l’Église qui ne permettaient point d’ordonner un évêque si jeune. Enfin, il déclara qu’il n’accepterait pas la dignité qu’on voulait lui imposer. Or, en ce moment une auréole lumineuse descendit du ciel sur la tête du saint, et sa chevelure parut tout imprégnée d’une huile miraculeuse, pareille à celle qu’on emploie pour l’onction des pontifes. Devant cette manifestation de la volonté divine, la résistance du solitaire n’était plus possible : il fut sacré à l’âge de vingt-deux ans.

Lorsque Clovis dans les plaines de Tolbiac eut invoqué « le Dieu de Clotilde, » qui lui donna la victoire sur les Allemands, Rémi se chargea d’éclairer l’âme de l’illustre néophyte, qu’il baptisa avec trois mille soldats de son royaume.

Dans la soirée qui précéda la cérémonie du baptême, le vénérable évêque passa quelques heures en prière devant l’autel de l’église Sainte-Marie, pendant que Clotilde priait elle-même dans l’oratoire de Saint-Pierre, à proximité de la demeure royale. Ce fut dans cette chapelle qu’il se rendit ensuite pour donner au roi ses derniers avis. En présence de la reine, de quelques clercs et d’un certain nombre de serviteurs du palais, l’évêque résuma, dans une allocution paternelle, les instructions évangéliques des jours précédents. Pendant qu’il parlait, une lumière céleste éclata soudain dans l’église, effaçant la lueur des cierges allumés, et une voix se fit entendre qui disait : « La paix soit avec vous. C’est moi, ne craignez point ; persévérez dans mon amour. » Après ces paroles, la lumière surnaturelle disparut. Le roi et la reine se précipitèrent aux genoux du saint pontife, en versant des larmes d’émotion et de joie. L’homme de Dieu, illuminé lui-même par l’esprit prophétique,leur tint ce langage : « Votre postérité gouvernera noblement ce royaume ; elle glorifiera la sainte Église et héritera de l’empire des Romains. Elle ne cessera de prospérer tant qu’elle suivra la voie de la vérité et de la vertu, mais la décadence viendra par l’invasion des vices et des mauvaises mœurs, car c’est là ce qui précipite la ruine des royaumes et des nations. » En parlant ainsi, le visage de l’évêque resplendissait de gloire, comme autrefois celui de Moïse. Le législateur évangélique des Francs avait une auréole semblable à celle du chef des Hébreux. La prière de l’évêque de Reims à l’autel de Marie, la veille du baptême des Francs, est restée dans la mémoire nationale, et s’est traduite par cet adage chrétien : Regnum Galliæ, regnum Mariæ. Le royaume de France est le royaume de Marie !

Depuis ce jour Clovis montra pour saint Rémi un profond attachement, et n’entreprit jamais rien de considérable sans prendre son avis. Le pape Symmaque nomma l’évêque de Reims légat du saint-siège et primat des Gaules. On vit dès lors l’apôtre porter la parole de Dieu à Toul, à Metz, à Verdun, dans les montagnes des Vosges et jusqu’à Cologne. De retour dans son diocèse, il s’occupa de recruter des prêtres instruits et vertueux : c’est de son école que sortirent Arnoul, Médard, Éleuthère, Ursus, qui tous devinrent évêques, et Thierry, qui fonda sur le mont Dore un monastère célèbre.

L’hérésie arienne avait de nombreux sectateurs dans l’Occident. Rémi fut un de leurs plus redoutables adversaires.

Dieu, pour purifier son serviteur, lui envoya, sur la fin de sa vie, des infirmités douloureuses. Il les supporta avec une patience tout angélique et ne quitta la terre, comblé de mérites, épuisé de travaux, qu’après soixante treize ans d’épiscopat, le 13 janvier 533, dans la quatre-vingt-quatorzième année de son âge.

RÉFLEXION MORALE

La prophétie de l’évêque de Reims concernant la monarchie française s’est réalisée au pied de la lettre. Plus la France s’écarte des voies de la vertu et de la vérité, plus elle précipite sa propre ruine.

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