Louis IX, né à Poissy le 25 avril 1215, se montra digne, comme roi, de son aïeul Philippe-Auguste, et comme chrétien, de sa pieuse mère Blanche de Castille.

Sa politique consolida l’œuvre de ses prédécesseurs par la soumission des grands vassaux, l’affranchissement des communes et la paix imposée à l’Angleterre, vaincue à Taillebourg et à Saintes (1242). Jamais le royaume des lys ne fut plus florissant que sous son règne.

Mais c’est du chrétien que nous devons parler. Né d’un prince chaste et vaillant, dont la mort prématurée l’appela au trône de France dès l’âge de onze ans, il fut élevé avec soin par la régente sa mère. « Mon fils, » lui disait- elle souvent,« Dieu m’est témoin combien je vous aime ; mais, quelle que soit ma tendresse pour vous, j’aimerais mieux mille fois vous voir mort à mes pieds que souillé d’un péché mortel.» Le vœu de la princesse fut exaucé sans qu’il lui en coûtât la perte d’un trésor si précieux. Louis montra une délicatesse de conscience, une pureté de mœurs, une piété qu’on eût admirées dans un cloître ; il exerça une charité, une tendresse pour les pauvres, une justice pour ses sujets, qui firent les délices de son peuple ; il déploya un courage, une sagesse, un héroïsme qui firent trembler et réduisirent à la paix tous ses ennemis. Avant l’âge de vingt ans, il avait dompté en personne, à la tète de ses armées, les comtes de Champagne, de Toulouse et de Bretagne, terminé la guerre des Albigeois et repoussé le roi d’Angleterre.

Tout jeune encore, il ne semblait vivre que pour Dieu. Il entendait chaque jour deux messes ; pour assister à l’office de Matines, il se levait à minuit, mais sans troubler ses serviteurs dans leur sommeil ; à la pointe du jour, il était déjà debout, afin de commencer sa journée par la prière. Ses courtisans trouvaient que c’était donner bien du temps à la messe et aux sermons : « Ils ne se plaindraient pas, » disait le roi, « si j’en passais le double au jeu et à la chasse. » Effectivement, sa piété ne fit tort qu’à ses plaisirs, jamais à ses devoirs royaux. Ce prince faisait de si rudes pénitences, que son confesseur dut parfois intervenir pour les modérer ; il avait des jours réglés pour le jeûne, en dehors de ceux prescrits par l’Église, et son jeûne était sévère. Lorsqu’il n’avait point à sa table de convives étrangers, il introduisait dans la salle à manger trois pauvres, à qui passait la meilleure part du repas. Un de ses délassements, que nos maîtres d’aujourd’hui ne goûteraient guère, était de sortir la nuit, soigneusement déguisé et accompagné d’un seul serviteur, pour porter des secours aux malheureux : une multitude de pauvres furent soulagés de la sorte sans savoir qui était leur charitable visiteur. Tous les jours cent vingt-deux pauvres venaient recevoir du roi chacun deux pains, une mesure de vin, une part de viande ou de poisson et un denier ; soixante autres recevaient deux fois la semaine quatre deniers par tête. Dans ses voyages, il ne s’arrêtait nulle part sans réunir autour de lui et secourir de larges aumônes tous les malheureux. Aux grandes fêtes, il servait lui-même deux cents pauvres ; puis il menait dans sa garde-robe trois des plus misérables et des plus infirmes, les habillait de neuf et leur lavait les pieds.

Les œuvres de bienfaisance du monarque ne se bornèrent pas à l’assistance quotidienne des indigents. Ses fondations charitables furent très nombreuses. Pontoise, Vernon, Compiègne, lui durent leurs hôtels-Dieu, et il accrut considérablement celui de Paris. On sait quelle merveille architecturale il fit construire dans son palais, au retour de la terre sainte, pour y recevoir la couronne d’épines : c’est la Sainte-Chapelle. En outre, il fonda l’hôpital des Quinze-Vingts, destiné à recevoir trois cents aveugles, en mémoire de trois cents chevaliers de sa suite à qui les infidèles avaient crevé les yeux pendant la croisade, et les abbayes de Royaumont au diocèse de Beauvais, du Lys au diocèse de Sens, de Maubuisson près de Pontoise, de Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers, de Longchamps au diocèse de Paris. La basilique de Saint-Denis fut reconstruite par ses ordres, et partout il protégea les religieux de Saint-Dominique, du Mont-Carmel et de Saint-François. Lorsqu’on lui reprochait sa munificence, il répondait : « S’il m’arrive de faire trop de dépenses, j’aime mieux que l’excès soit en aumônes faites pour l’amour de Dieu qu’en choses de luxe et en frivolités. »

Et cet homme, qui se faisait si humble et si petit pour s’anéantir à l’exemple du Sauveur, exerçait ses fonctions de roi avec une fermeté qui réduisit à l’impuissance les vassaux les plus remuants ; et il rendait la justice avec une impartialité qui fit trembler plus d’une fois les plus puissants seigneurs. L’un d’entre eux avait fait pendre trois jeunes gens coupables du simple délit de chasse. Louis le condamna lui-même au supplice de la corde, et il fallut la pressante intervention de toute la noblesse du royaume pour soustraire le coupable à la mort. Encore lui infligea-t-il de très fortes indemnités, avec le pèlerinage de la terre sainte, qui était un long exil. Tout le monde a dans ses souvenirs historiques le chêne de Vincennes, les jardins du palais royal transformés en prétoire. Le monarque avait une adresse merveilleuse pour découvrir la vérité. Citons un exemple. Un grand seigneur voulait acquérir l’héritage d’une veuve : devant sa résistance, il simule un contrat de vente et prend possession des terres qu’il convoitait. La veuve demande justice au roi. Le seigneur se présente avec deux faux témoins qu’il a pratiqués ; Louis, qui se doute bien qu’il a devant lui des hommes achetés, les appelle l’un après l’autre. Au premier il demande s’il sait par cœur le symbole de la foi. Et voilà notre homme qui lui récite le Credo. « C’est assez, » dit le juge, « retirez-vous. » Le second témoin se présente : « Votre compagnon a confessé la vérité, » lui dit le roi ; « je vous exhorte vivement à faire de même. » A ces mots, le misérable, se croyant décelé, tombe aux genoux du prince et avoue la fausseté du contrat.

Les affections de famille, qui s’allient si bien avec la sainteté, furent toujours très vives dans le cœur de saint Louis. Il avait une sorte de culte pour Blanche de Castille, sa mère, qu’il respecta, devenu roi, comme il l’avait respectée étant petit enfant. L’amour qu’il eut pour Marguerite de Provence, son épouse, était si connu, qu’il a pour ainsi dire revêtu un caractère romanesque sous la plume des historiens du moyen âge. Aussi l’emmena-t-il dans sa première expédition d’outre-mer, persuadé que ce ne sont pas les affections bénies de Dieu qui amollissent le cœur de l’homme. Et lors du traité conclu avec les Sarrasins, dont il était le prisonnier, Louis ne voulut pas que le contrat fût définitif avant que Marguerite l’eût approuvé, ce qui jeta dans le dernier étonnement ces barbares qui ne comprenaient pas qu’on pût avoir de pareils égards pour une femme. Enfin, il eut pour ses enfants cette tendresse éclairée qui s’allie avec la fermeté, qui transforme en une vertu solide le plus naturel des sentiments. Il voulut être en quelque sorte leur instituteur ; et l’une de ses occupations les plus douces était de les initier lui-même aux leçons de l’histoire, parce qu’il y trouvait l’occasion d étaler devant leurs yeux les exemples des vertus qu’ils devaient pratiquer dans la position où Dieu les avait fait naître.

La France jouissait, sous l’empire des sages lois promulguées par Louis IX, d’un calme profond et d’une prospérité sans égale, quand une fièvre vint la faire trembler pour une tète si chère : il y eut une explosion de larmes et de prières ; le roi fit vœu d’une expédition en terre sainte, et il recouvra aussitôt la santé. Malgré l’opposition des grands, il voulut accomplir son vœu. Après en avoir conféré à Cluny avec le pape Innocent IV, il prit la croix et partit d’Aigues-Mortes, vers la fin de mai 1248, à la tête de dix-huit cents voiles. Ayant débarqué en Égypte, il défit les Sarrasins campés sur le rivage et s’empara de Damiette. « Il avait mis son corps en péril pour le salut des siens, » comme dit Joinville. A Mansourah il fut plus admirable encore. Par son courage et son sang froid il parvint à rétablir le combat, gravement compromis par la témérité de son frère, le comte d’Artois, qui paya de sa vie, avec quinze cents chevaliers, sa désobéissance à l’ordre du roi de ne pas s’aventurer dans le désert. Louis IX, à la tête de sa cavalerie, dominait de sa haute taille toute l’armée. Les chevaliers, dispersés dans la plaine, crurent voir l’ange des combats qui venait à leur secours, tant le courage et la piété du prince lui donnaient de prestige. « Je vous promets, » dit Joinville, « que oncques plus bel home armé ne vy. » Grâce aux dispositions stratégiques et à l’héroïsme personnel d’un tel général, les croisés restèrent maîtres du champ de bataille de Mansourah (8 février 1250); mais bien des hommes et plusieurs chefs illustres y avaient péri ; et comme on félicitait le roi de sa victoire : « Que Dieu soit honoré de ce qu’il nous donne, » répondit-il : et en même temps de grosses larmes lui roulaient dans les yeux : larmes d’amour et de pitié pour ses malheureux compagnons, et non de découragement et de faiblesse dans l’épreuve, car nous l’y verrons tout à l’heure donner le plus bel exemple de résignation et de fermeté.

Une chaleur torride jointe à la putréfaction des cadavres avait développé une terrible épidémie dans le camp des chrétiens : le scorbut, les fièvres, la dysenterie, les décimaient. Nul cependant ne songeait à fuir, et le roi moins que personne. Il travaillait lui-même aux retranchements, visitait et soignait les malades. Atteint à son tour par le fléau, il voulut, malgré son extrême faiblesse, tout surveiller pour une retraite devenue inévitable vers Damiette. Il fit embarquer les femmes, les enfants, les malades, refusa de se séparer de son armée, prit place à l’arrière-garde et tomba au pouvoir de l’émir Djemal-Eddin.

Prisonnier à Mansourah, il n’avait pour se couvrir la nuit qu’une casaque grossière. Plus tard, le Soudan du Caire, cherchant à amollir par les douceurs du bien-être cette âme inflexible, lui envoya de riches vêtements ; Louis les refusa. La dysenterie l’ épuisait : il était si maigre que les os de l’épine dorsale lui perçaient la peau. Mais il conservait toute son énergie ; le Soudan le pressait en vain de lui faire cession des villes de la Palestine pour recouvrer sa liberté : les menaces mêmes ne purent l’intimider.Il eût souffert la mort plutôt que de prêter un serment qui lui paraissait contraire à sa foi. Le vainqueur exigeait du captif une somme énorme. Le roi consentit à la payer pour ses compagnons d’infortune, « mais, » ajouta-t-il, « un roi de France ne se rachète pas avec de l’argent. » Et il offrit de rendre Damiette pour sa rançon personnelle. Une pareille réponse fit dire au sultan que ce Français était aussi grand dans les fers que les armas à la main. Lorsque les émirs eurent assassiné leur maître, l’un d’eux, Actaï, chef des mameluks, vint demander au roi de le faire chevalier, « pour avoir tué, » disait-il, « son ennemi. » Le roi refusa. Tant de courage commandait l’admiration des infidèles eux-mêmes, et un jour les émirs s’écrièrent en sortant de la prison : « Ce prince franc est le plus fier chrétien qu’on ait jamais vu ! »

Redevenu libre, Louis se dirigea vers la Palestine et y séjourna quatre ans : quatre ans de bénédictions pour les chrétiens de cette contrée, dont il répara les églises et fortifia les villes pour les mettre à l’abri des invasions musulmanes. A l’enceinte de Caïpha, au pied du Mont-Carmel, on le vit travailler de ses propres mains comme un humble ouvrier. Il racheta aux infidèles plus de 10.000 chrétiens captifs.

A Joppé, le légat du pape lui apporta une triste nouvelle : Blanche de Castille venait de mourir.

Louis IX dut hâter son retour à Paris (1254). Il s’appliqua uniquement à faire le bonheur de son peuple par la réformation des abus, la sagesse de ses ordonnances, l’allègement des impôts et la punition des blasphèmes.

La triste situation des chrétiens d’Orient lui fit entreprendre une seconde croisade. Il alla débarquer sur la plage de l’ancienne Carthage, dans l’espoir de convertir à la foi le souverain de Tunis. Vaines espérances ! Il fallut au contraire assiéger cette ville. Mais des ennemis plus terribles que les Sarrasins ne tardèrent pas à se montrer : la fatigue, la mauvaise nourriture et les chaleurs du climat amenèrent la fièvre et la dysenterie. Une des premières victimes fut Tristan, fils du roi et légat du saint siège. Un grand nombre de seigneurs succombèrent à leur tour, et la mort du roi lui-même vint mettre le comble à tous ces maux. Lorsqu’il se sentit mortellement atteint, Louis IX se fit coucher sur la cendre, reçut les sacrements avec une piété qui émut toute l’assistance, et rendit à Dieu sa grande âme le 25 août 1270, à l’âge de cinquante-cinq ans.

RÉFLEXION PRATIQUE

Saint Louis punissait les blasphémateurs parce que le blasphème, plus peut-être que tout autre crime, appelle la colère du Ciel. Ne jurons jamais, ni ne souffrons, sans protester, qu’autour de nous l’on jure le nom de Dieu.

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