Aurélius Augustinus, le plus illustre des pères de l’Église latine, naquit à Tagaste, dans la Numidie, le 13 novembre 354.

Son père, qui avait la dignité de patrice, était païen, et ne se convertit que dans les derniers mois de sa vie. Monique, sa mère, dont les prières et les larmes, aidées de la grâce divine, devaient enfanter Augustin à Jésus-Christ, était une sainte. Son fils eut une jeunesse fort brillante, mais aussi fort orageuse : l’indomptable vivacité de son esprit et de ses passions naissantes le rendait indocile à tout frein.

Au sortir des écoles de Tagaste, il étudia les belles-lettres à Madaure. Bientôt la supériorité de ses talents le fit briller au milieu de ses compagnons, et son père, qui ne visait qu’aux succès mondains, résolut de l’envoyer à Carthage, où Démocrite devait l’initier à tous les secrets de la rhétorique et de l’éloquence. Mais si la capitale de l’Afrique était alors un centre admirable de lumières, elle était aussi une école de corruption pour l’esprit et les sens. Le jeune Augustin s’y laissa séduire par les doctrines manichéennes, et s’abandonna aux dérèglements d’une volupté criminelle. Le théâtre surtout lui devint funeste. « Les spectacles me ravissaient, » raconte-t-il lui-même, « tout remplis qu’ils étaient des images de ma misère et des aliments de ma flamme.» Informée de la conduite de son fils, Monique, déjà veuve, en était aux larmes les plus amères, et, dans l’espoir de le changer, elle vint le rejoindre à Carthage, où il professait la rhétorique depuis l’âge de vingt ans,aux applaudissements universels. Le succès grandissant son ambition, Augustin voulut aller à Rome, et, pour se débarrasser de l’importune surveillance d’une mère chrétienne, il trompa Monique sur son voyage et la laissa en Afrique : pendant qu’elle priait pour son indigne fils, lui mettait à la voile pour la fuir. Pauvre mère ! il lui restait Dieu seul pour prier et pleurer à ses pieds , mais « vos prières et vos larmes ne se perdront pas,» lui avait dit un évêque ; « mère, vous serez un jour consolée. »

Augustin enseigna la rhétorique à Rome avec un triomphe toujours croissant, et, sur sa réputation, le préfet Symmaque l’envoya professer l’éloquence à Milan, où son génie grandit encore. Ici la grâce l’attendait : il connut Saint Ambroise ; la réputation de l’homme l’avait attiré d’abord, la vertu de l’évêque et la force de la vérité l’ébranlèrent ensuite. Monique était venue rejoindre son prodigue. Ses efforts, unis à l’éloquence d’Ambroise, triomphèrent d’Augustin. Ce lion se débattit longtemps dans le filet ; aux prises avec la grâce, ses rugissements furent terribles :« Demain, demain ! » s’écriait-il ; et ce demain ne venait pas. Un jour, le cœur troublé par le tableau de la vie chrétienne des solitaires d’Égypte, qu’un de ses amis venait de lui tracer, il se répandait en sanglots dans sa demeure, lorsque, au fond de son âme, une voix se fit entendre qui lui disait : « Frends et lis. » Il ouvre saint Paul et tombe sur ce passage : « Loin la débauche et les impudicités ! Revêtez-vous de Jésus-Christ en immolant les convoitises de la chair. » C’en est fait, sa résolution est prise : il vole à sa mère, et lui annonce la résurrection de ce fils dont elle pleure depuis si longtemps la mort ; il est baptisé bientôt par Ambroise, avec son ami Alypius et le fils de ses péchés Adéodat, et les deux grands docteurs laissent échapper de leur âme reconnaissante l’hymne d’action de grâces de tous les siècles futurs, Te Deum ! C’était l’an 387 ; Augustin avait alors trente-trois ans.

Résolu de renoncer au monde, il voulut retourner en Afrique, pour pleurer ses fautes dans quelque solitude. Il passa par Rome, où il avait un vœu à remplir, et descendit le Tibre dans le dessein de s’embarquer à Ostie. Une grande douleur l’y attendait. Au moment de mettre à la voile, sainte Monique tomba malade, dans la cinquante-septième année de son âge : « Mon fils, » dit-elle à son illustre converti, « il n’y a plus rien qui puisse me retenir sur la terre. Vous êtes catholique et voué au Seigneur : tous mes désirs sont accomplis. »

Après neuf jours de maladie, l’âme de Monique, délivrée des liens du corps, s’envola au ciel. Écoutons Saint Augustin. «Je lui fermai les yeux, la douleur déchirait mes entrailles et je versai des torrents de larmes. Par un effort suprême de volonté, je refoulai cette émotion et j’en vins à commander à mes yeux de rester secs ; mais dans cette lutte, je souffrais intérieurement des tortures. Adéodat mon fils, se jeta en pleurant sur le corps de ma mère. Il poussait des sanglots à fendre l’âme ; nous le retînmes, et, à force de raisonnements, nous le fîmes taire. Cet incident me rendit à moi-même du courage. Nous comprenions qu’une telle mort ne devait point être accompagnée de lamentations ni de pleurs. Il n’est permis de se désoler ainsi qu’à ceux qui n’ont pas la foi, ou pour des défunts qui ne laissent point d’espérance. Or, ma mère n’était point morte sans espérance, ou plutôt, elle venait de naître à la véritable vie, et cette pensée, appuyée sur des motifs certains, devait rassurer notre foi

Tout en pleurant sa mère, Augustin, qui est déjà un apôtre, revient à Rome pour y travailler durant un an à la conversion des manichéens. Puis il rentre en Afrique, donne tous ses biens à l’Église, et se retire à la campagne avec quelques amis fidèles. Sa retraite fut le berceau des ermites qui portent son nom et qui, sous sa règle, ont peuplé l’Europe de leurs austères vertus. Là, livré à la prière et à l’étude, il jeune, il se mortifie avec une rigueur effrayante, il compose son beau traité de la Vraie Religion, et il voit mourir Adéodat, ce fils de grande espérance.

Après trois ans de douce solitude, Augustin, mandé par Valère, évêque d’Hippone, reçoit la prêtrise et la mission d’annoncer au peuple la parole de Dieu. Mais il ne se sépare pas de ses religieux : il bâtit un monastère où ils vivent avec lui dans la pauvreté, le jeûne, le silence et la prière. Le vénérable pasteur d’Hippone l’obtient plus tard pour coadjuteur et lui laisse au bout d’un an son siège épiscopal.

Le nouvel évêque devient alors le fléau des donatistes, des manichéens et autres hérétiques qui désolent sa patrie. Pour les combattre il emploie toutes les armes : écrits, discours, conférences publiques et privées. Eux cherchent à le faire périr, mais la Providence veille sur lui et le conserve à son église. Le fameux Pelage vient dogmatiser sur la grâce : la nouvelle hérésie, répandue comme un déluge sur la face du monde chrétien, fournit à l’athlète sacré la matière du plus beau de ses triomphes, et lui mérite le nom de docteur de la grâce. Fils spirituel de saint Ambroise, il se lie d’une étroite amitié avec Saint Jérôme : trois gloires de l’Église latine.

Le nom et les louanges de l’évêque d’Hippone retentissaient partout : on vantait son mérite et ses victoires, on lisait ses beaux livres, on consultait sa science. Il était l’oracle des conciles et de l’Église universelle. Une si légitime et si glorieuse influence n’effaçait point dans l’esprit du grand pontife le souvenir des égarements de sa jeunesse. Il les pleura dans le livre immortel de ses Confessions, et il se renferma dans l’humilité de la retraite. Prêtre, il avait vécu au milieu de ses frères ermites ; évêque, il voulut habiter avec ses prêtres et donner à tous l’exemple de la pauvreté, de la pénitence, de la piété : ce fut l’origine des chanoines réguliers, qui, sous sa règle, ont couvert le monde de leurs monastères.

La prise de Rome par Alaric (410) fut pour Augustin l’occasion de son beau livre la Cité de Dieu. Les païens voulaient rendre le christianisme responsable de leur infortune, et réconcilier le monde avec les dieux, qui, disaient-ils, avaient fondé l’empire. Le saint docteur montra que les désastres de Rome étaient bien plutôt l’œuvre de ces dieux, dont les exemples infâmes avaient autorisé tous les désordres. Puis s’élevant sur les ailes du génie au-dessus des calamités passagères, il décrivit les éternelles beautés de la Jérusalem céleste. Bientôt le flot des barbares, qui avait couvert l’Italie, envahit l’Afrique elle-même et désole cette riche contrée. Dans cette grande épreuve de sa patrie, Augustin, déjà vieux, semble grandir encore. Il encourage les populations à la résistance, rappelle aux évêques leur devoir de rester à leur poste périlleux, et, joignant l’exemple à la parole, se renferme dans Hippone menacée par les Vandales. C’est là qu’il mourut, trois mois après le début du siège, en demandant à Dieu, comme évêque et citoyen romain, d’humilier les barbares et de soutenir son peuple (28 août 430).

RÉFLEXION MORALE

D’une âme égarée, Monique, par ses prières et ses larmes, fit un grand docteur et un grand saint. Mères chrétiennes, si vous savez pleurer et prier, la conversion de vos Augustins séchera un jour vos larmes.

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