La sainte Vierge avait appris par l’ange que sa cousine Elisabeth, jusque là stérile, allait bientôt mettre au monde le fruit de sa vieillesse. Elle se mit donc en marche pour se rendre à la petite ville d’Aïn, séjour de Zacharie, et distante de Nazareth d’environ vingt-sept lieues.
Elle dut traverser les montagnes d’Éphraïm, et parcourir dans la plus grande partie de sa longueur la profonde vallée du Térébinthe. « Elle se hâtait » dit l’écrivain sacré, prenant, comme la charité, les ailes de la colombe, et fuyant, comme la modestie, les regards des hommes.
Arrivée au seuil de la demeure, la Vierge frappe doucement à la porte. Elisabeth accourt lui ouvrir et Marie la salue. Au son de cette voix angélique, Elisabeth a senti l’enfant tressaillir dans son sein. Inondée elle-même de la lumière divine, elle s’écrie : « Soyez bénie entre les femmes, et béni soit le fruit de vos entrailles ! Et d’où me vient ce bonheur que la Mère de mon Dieu vienne me visiter ? Voici qu’à votre parole l’enfant que je porte dans mon sein a tressailli d’allégresse. Vous êtes bienheureuse d’avoir cru, car les promesses que le Seigneur vous a faites s’accompliront. »
Vous êtes bienheureuse d’avoir cru. N’est-ce point une allusion à l’incrédulité du prêtre Zacharie, qui était encore sous le poids de son châtiment ?
Jean-Baptiste devait précéder Jésus pour l’annoncer, mais Jésus devait le prévenir de sa grâce pour le sanctifier. Elisabeth entend la voix de Marie, dit saint Ambroise, mais Jean éprouve la présence de Jésus ; l’impression de l’Esprit divin qui le faisait tressaillir se communique à Elisabeth, et les deux mères prophétisent par la vertu de leurs enfants.
Marie répond alors : « Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit surabonde d’allégresse en Dieu, mon salut. Il a regardé la bassesse de sa servante, et voici qu’à dater de ce moment toutes les générations m’appelleront bienheureuse ! Car il a fait en moi de grandes choses, celui qui peut tout, et son nom est saint. Et sa miséricorde s’étend, d’âge en âge, sur ceux qui le craignent. Il a déployé la force de son bras ; il a dissipé les desseins des superbes enorgueillis dans les pensées de leur cœur. Il a renversé les puissants de leur trône et exalté les humbles. Il a comblé de biens les indigents pressés de la faim, et renvoyé vides ceux qui étaient dans l’abondance. Il a relevé Israël, son serviteur, se souvenant de sa miséricorde promise à nos pères, à Abraham et à sa postérité pour toujours. »
Marie demeura près de trois mois auprès de sa parente, nous dit l’évangéliste saint Luc. Pendant son séjour au pays d’Hébron, la charité de la Vierge ne demeura pas oisive. On montre encore près du village de Saint-Jean-Baptiste, élevé sur les ruines d’Ain, à la distance de trois ou quatre cents pas de l’ancienne maison de Zacharie, au milieu d’un vallée charmante plantée d’oliviers, la fontaine où la Mère de Dieu venait puiser l’eau nécessaire à la famille de ses hôtes. On lui a donné le nom de Fontaine de la Vierge, et les Arabes ont conservé le souvenir des traditions qui s’y rattachent.
Comme le temps de la délivrance d’Elisabeth approchait, Marie prit congé de ses parents.
La fête de la Visitation remonte aux dernières années du quatorzième siècle. Au début du grand schisme, Urbain VI, ému des périls de la barque de Pierre, leva les yeux vers l’Étoile de la mer, et promit à la Reine des vierges d’établir en son honneur la fête de la Visitation. Dieu le confirma dans son dessein par des révélations et des miracles, mais la mort ne lui laissa pas le temps de réaliser son vœu. Ce fut Boniface IX, son successeur, qui publia la bulle fixant au 2 juillet la célébration de cette fête.
Deux siècles plus tard, une foule immense écoutait dans la cathédrale de Dijon, où avait prêché Saint Bernard, la parole d’un évêque dont la douce éloquence et l’entraînante sainteté faisaient revivre l’Abeille de Clairvaux. Parmi cet auditoire, qui se suspendait aux lèvres de l’homme de Dieu, on aurait pu remarquer une femme jeune encore, d’un rang distingué dans le monde, qui paraissait saisie d’un enthousiasme extraordinaire. Au sentiment de joie qui se peignait sur son visage se mêlait une expression d’étrange surprise. Le saint prélat qu’elle avait sous les yeux, dont elle entendait la voix, dont elle recueillait les enseignements, elle l’avait vu dans l’extase d’une révélation ! Les traits, la physionomie suave de la céleste apparition, elle les retrouvait dans la figure de l’évêque le plus gentilhomme de son temps. La voix d’en haut avait dit à cette femme qu’il serait son père.
Rompant dès lors tous les liens qui la retenaient captive, elle s’attache à lui, comme s’attache au robuste chêne la vigne qui cherche un appui pour ses flexibles rameaux. Quelques années après, Saint François de Sales fondait une pieuse communauté dont Sainte Jeanne de Chantal devenait la première abbesse. C’étaient ces deux âmes que Dieu avait ainsi réunies dans son amour. Le nouvel ordre fut établi sous l’invocation touchante de la Visitation de Notre-Dame.
Réflexion Pratique
A l’exemple de la Mère de Dieu, marquons nos visites par la discrétion, les bons offices et les pieux entretiens.