Bulle « Unam Sanctam » du Pape Boniface VIII sur la Supériorité du spirituel sur le temporel.
Boniface, Évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, pour Mémoire à la Postérité.
La Foi nous oblige instamment à croire et affirmer que l’Eglise est une, sainte, catholique et apostolique. Nous croyons fermement en elle et Nous confessons simplement qu’en dehors d’elle, il n’y a ni salut, ni rémission des péchés, comme l’Époux le proclame dans le cantique : « Ma colombe est unique, elle est parfaite. Elle est la mère qui a été choisie pour être Sa génitrice » (Cantique des Cantiques 6 ; 8). Elle représente l’unique corps mystique, corps dont le Christ est la tête, Dieu étant celle du Christ (1 Corinthiens 11; 3). En elle, il y a « un seul Seigneur, une seule foi, et un seul baptême » (Éphésiens 4 ; 5). Unique en effet fut l’arche de Noé au temps du déluge, laquelle préfigurait l’unique Eglise ; laquelle arche, faite d’une seule coudée, avait un seul pilote et chef, à savoir Noé, et hors d’elle, nous l’avons lu, tout ce qui subsistait sur terre fut détruit.
Nous vénérons cette Eglise comme étant unique, car le Seigneur dit par la bouche du prophète : « Dieu, délivre Mon âme de l’épée, et de la patte du chien, Mon unique » (Psaume 21 ; 21). Car Il a prié à la fois pour l’âme, c’est-à-dire pour Lui-Même, Tête et Corps. Et ce corps, c’est-à-dire l’Eglise, Il l’a appelé l’unique, à cause de l’unité de l’Époux, de la foi, des sacrements et de la charité de l’Eglise. Elle est la Tunique du Seigneur, cette «tunique sans couture» (Jean 19 ; 23-24) du Seigneur, laquelle n’a pas été déchirée, mais tirée au sort.
C’est pourquoi cette seule et unique Eglise n’a qu’un seul corps et une seule tête, non pas deux têtes comme pour un monstre. Cette Eglise n’a donc qu’un seul corps et une seule tête : à savoir le Christ et le vicaire du Christ, Pierre, et le successeur de Pierre, car le Seigneur dit Lui-Même à Pierre : « Pais Mes brebis » (Jean 21 ; 17). Il dit « Mes » en général, et non telle ou telle brebis en particulier, d’où l’on comprend que toutes lui ont été confiées à lui, Pierre. Si donc les Grecs ou d’autres disent qu’ils n’ont pas été confiés à Pierre et à ses successeurs, il doivent avouer qu’ils ne font pas partie des brebis du Christ, car le Seigneur dit Lui-Même en Jean : « il y a un seul bercail, un seul et unique pasteur » (Jean 10 ; 16).
Le pouvoir spirituel de l’Église
Les paroles de l’Évangile nous l’enseignent : en cette Eglise et en son pouvoir, il y a deux épées, c’est à dire, le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Car, lorsque les apôtres disent, parlant pour l’Eglise, puisque ce sont les apôtres qui parlent : « Seigneur, voici deux épées » (Luc 22 ; 38), le Seigneur n’a pas répondu que cela était trop, mais que cela suffisait. Assurément, celui qui nie que Pierre détient l’épée du pouvoir temporel n’a pas correctement écouté la parole du Seigneur lorsqu’il commanda : « Remets ton épée à sa place » (Matthieu 26 ; 52). Les deux sont donc au pouvoir de l’Eglise, le glaive spirituel et le glaive matériel. Cependant, le glaive spirituel doit être manié par l’Eglise, l’autre pour l’Eglise. Le glaive spirituel est manié par la main du prêtre, le glaive matériel est manié par la main du roi et du soldat, mais selon la volonté et selon le gré du prêtre.
Or, il convient que le glaive temporel soit soumis au glaive spirituel, et que l’autorité temporelle soit soumise au pouvoir spirituel. Car, puisque que l’apôtre a dit : « il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent ont été instituées par Dieu » (Romains 13; 2), cette autorité ne serait pas ordonnée si l’un des deux glaives n’était pas subordonné à l’autre, et si le glaive inférieur n’était pas élevé par l’autre. Car, selon le bienheureux Dionysius, il est de loi divine que les plus petites choses atteignent les plus hautes par voie d’intermédiaires. Ainsi, selon l’ordre de l’Univers, toutes choses ne sont pas ordonnées de façon égale et immédiate, mais les plus basses le sont par des voies intermédiaires, et les inférieures par les supérieures.
Ainsi, que le pouvoir spirituel surpasse en dignité et en noblesse toute espèce de pouvoir temporel, il nous faut le reconnaître d’autant plus clairement que les réalités spirituelles surpassent les réalités temporelles. Ceci, nous le voyons aussi très clairement, non seulement dans le cas du paiement, de la bénédiction et de la consécration des dîmes, mais aussi par l’acceptation du pouvoir lui-même et par le gouvernement des choses. Comme la Vérité l’atteste : il appartient au pouvoir spirituel d’établir le pouvoir terrestre, et de le juger s’il n’a pas été bon. Ainsi s’accomplit la prophétie de Jérémie concernant l’Eglise et le pouvoir ecclésiastique : « Voici que Je t’établis aujourd’hui sur les nations et sur les royaumes » (Jérémie 1 ; 10).
Si donc le pouvoir terrestre dévie, il sera jugé par le pouvoir spirituel ; et si un pouvoir spirituel inférieur dévie, il sera jugé par un pouvoir spirituel supérieur. Mais si le pouvoir suprême dévie, c’est par Dieu seul et non par l’homme qu’il pourra être jugé, comme l’atteste l’Apôtre : « L’homme spirituel juge de tout, et n’est lui-même jugé par personne » (1 Corinthiens 2 ; 15). Cette autorité cependant, bien que confiée à l’homme et exercée par l’homme, n’est pas un pouvoir humain, mais divin, donné à Pierre par la parole Divine, confirmé pour lui (Pierre) et ses successeurs, par Celui que Pierre lui-même qu’il a confessé, le Seigneur disant à Pierre : « et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les Cieux, etc.» (Matthieu 16 ; 19). Quiconque par conséquent résiste à ce pouvoir ordonné par Dieu, « résiste à ce que Dieu a ordonné » (Romains 13 ; 2), à moins qu’il n’invente, comme Manès (le chef de la secte des Manichéens), deux principes, ce que nous jugeons faux et hérétique, car selon le témoignage de Moïse, ce n’est pas dans les principes, mais « dans le Principe que Dieu a créé le ciel et la terre» (Genèse 1 ; 1).
En conséquence, nous déclarons, proclamons et définissons qu’il est absolument nécessaire au salut que toute créature humaine soit soumise au pontife romain.
Le 18 novembre 1302