Irénée, originaire d’Asie, eut pour maîtres le vénérable évêque de Smyrne, saint Polycarpe, et le savant Papias, évêque d’Hiéraple. Il puisa donc la foi aux sources primitives de la pure doctrine. A la méditation des Écritures, il joignit l’étude des sciences profanes, car il avait une âme ardente et curieuse de toutes les connaissances humaines.

Il vint dans les Gaules soutenir la mission que saint Polycarpe y avait envoyée sous la conduite de Pothin. Attaché à l’église de Lyon, il se fit connaître comme un des adversaires les plus actifs du montanisme, et fut chargé par ses frères de porter au pape leur lettre au sujet de cette hérésie.

A son retour, il trouva les rangs des fidèles bien éclaircis par la persécution, et le siège épiscopal vacant par le martyre de saint Pothin. Élu évêque de cette église presque éteinte, il sut la relever, la garantir et l’étendre. Bientôt ses prédications rendirent la ville de Lyon presque entièrement chrétienne. Dieu le favorisa du don des miracles, ce qui contribuait puissamment à la conversion des païens.

Irénée nous apprend lui-même qu’à cette époque les dons et les grâces extraordinaires abondaient dans l’Eglise. Il parle d’aveugles, de sourds guéris miraculeusement, bien plus, de morts ressuscites à la prière des simples fidèles. C’est, dit-il, la preuve irrécusable que Jésus-Christ nous protège, et il demande aux hérétiques pourquoi le ciel ne fait pas en leur faveur de semblables prodiges.

Le saint évêque publia contre eux un grand nombre d’écrits. Il déclare n’avoir jamais appris à composer des livres, et être tout à fait étranger à l’art du beau langage. La modestie du pieux docteur n’a pas empêché l’antiquité chrétienne de rendre justice à sa profonde érudition, et même aux charmes et à la finesse de son style. Tertullien l’appelle un homme versé dans toutes les sciences, saint Augustin, un docteur illustre, et Théodoret, la lumière de l’église des Gaules.

De tous les ouvrages de saint Irénée, son traité contre les hérésies est le seul qui soit parvenu jusqu’à nous. Le motif qui le lui inspira témoigne de sa charité pastorale et de son zèle pour la foi. Les valentiniens avaient pénétré dans la province dont Lyon était la métropole, et y faisaient de grands ravages. Un certain Marc, qu’Irénée appelle un vrai précurseur de l’Antéchrist, avait réussi, par sa profonde habileté et le prestige de ses qualités extérieures, à gagner à son parti un grand nombre de femmes, surtout parmi les plus considérables de la société lyonnaise. Le pontife, voulut ramener au bercail ces brebis infidèles et prévenir d’autres défections. Un tel dessein demandait l’exposition claire et complète des erreurs gnostiques et leur réfutation péremptoire, théologique et rationnelle. Les cinq livres qui composent l’ouvrage réalisent ce plan d’une manière si heureuse, leurs arguments ont une telle force contre toute hérésie, qu’un professeur protestant, Semler, s’écriait dans sa chaire de Halle : « Si les livres d’Irénée sont authentiques, il nous faut tous nous faire catholiques romains ! »

Le traité de l’illustre docteur établit d’une façon magistrale les deux grands principes qui ont toujours séparé le christianisme vrai, pur, intégral, du christianisme faux, altéré, tronqué, qui ont, en d’autres termes, toujours distingué la foi et la vérité de l’hérésie et de l’erreur. Le premier est que « toute manière d’expliquer l’Écriture sainte qui ne s’accorde point avec la doctrine constante de la tradition, doit être rejetée. » Le second principe est que « toutes les églises doivent se conformer à celle de Rome, dépositaire et interprète des traditions apostoliques. »

Pendant que l’évêque de Lyon se signalait ainsi par son zèle contre les ennemis de la foi, son amour de la paix lui dictait une démarche auprès du pape saint Victor Ier, dans le différend, qui divisait les Orientaux et les Occidentaux, relatif au jour de la célébration de la Pâque. Il pria respectueusement le vicaire de Jésus-Christ de tolérer, en raison des circonstances, la coutume orientale, et d’attendre une époque plus favorable pour établir l’uniformité.

Sous l’inspiration d’Irénée, Lyon, foyer d’apostolat et de saine doctrine, devint une école qui forma des controversistes distingués, en même temps que d’infatigables ouvriers évangéliques. Les uns, comme Caïus et Hippolyte, continuèrent de combattre l’erreur par la plume ; les autres se répandirent dans les contrées environnantes et propagèrent la foi. Cependant les cruels édits de Septime-Sévère retentirent comme l’éclat de la foudre dans le monde entier. Il sembla, tant furent grands les massacres, que l’univers allait périr. C’était à Lyon que l’empereur, en pleine guerre civile, avait triomphé de son compétiteur Claudius Albinus. Quand il y revint, il apprit que cette ville, convertie par Irénée, refusait d’adorer les dieux. Il obéit alors à la féroce cruauté, ou plutôt à la rage qui faisait le fond de son caractère. Par ses ordres, les portes de Lyon furent fermées, et ses soldats, le glaive à la main, entrèrent dans toutes les maisons, égorgeant quiconque persistait à confesser le Christ. « Je n’entrerai dans cette cité, » avait dit Sévère, « que pour offrir des sacrifices à mes dieux. Or, ils ne veulent pas que leur culte soit souillé par celui des chrétiens. » Le massacre commença donc. Il fut immense : ni l’âge, ni le sexe, ni le rang, ne furent épargnés. On vit cette multitude d’héroïques chrétiens venir d’elle-même, dans les transports d’une sainte allégresse, s’offrir au glaive des bourreaux, qui parcouraient la ville comme des bacchantes. Le sang coulait en ruisseaux dans les rues, et les deux fleuves qui baignent la cité roulaient leurs eaux toutes rougies. L’impie césar avait donné l’ordre qu’on lui amenât le bienheureux Irénée. Depuis quelques jours, le saint évêque, par une faveur de Jésus-Christ, connaissait l’imminence du danger. Au milieu de la nuit, pendant qu’il était en prières avec un de ses prêtres, un ange du Seigneur lui apparut et lui dit : «  Après tant de labeurs, voici venir la récompense. C’est par le martyre que tu entreras dans le royaume des cieux. Relève le courage de tes frères, car le meurtrier approche, et l’heure des grands combats va sonner. Affermis ton troupeau contre les menaces de l’antique ennemi, qui peut tuer le corps, mais ne saurait tuer l’âme. La passion des chrétiens sera consommée en quelques heures. Pour toi, ton supplice sera plus long, mais ton triomphe n’en sera que plus glorieux. »

A ces paroles de l’ange, Irénée s’écria : « Ô Jésus, mon Seigneur et mon Dieu, je vous remercie des paroles de joie et de consolation que vous daignez m’adresser ! Donnez, Seigneur, donnez à ce peuple la grâce de la persévérance. Que nul d’entre eux n’apostasie votre saint nom. Fortifiez-les par votre puissance divine, et que tous conquièrent généreusement par la mort la palme de l’immortalité ! » Puis, docile à la voix du Ciel, il fit réunir les fidèles et commença à les préparer au combat. On les vit aussitôt distribuer tous leurs biens aux pauvres ; il s’exhalait d’eux comme une suave odeur de martyre ; ils passaient les jours et les nuits dans la prière et les colloques divins, attendant d’heure en heure le moment annoncé par le Christ.

Quand le césar eut ordonné le massacre général, et que l’église de Lyon eut été noyée dans le sang de ses fils, on amena l’évêque à l’empereur. A la vue du saint vieillard, le tyran entra dans un accès de rage. Il épuisa contre sa victime toutes les inventions de la cruauté. L’athlète de Dieu endura tous les supplices avec une constance invincible, et consomma son témoignage le 28 juin 202. La nuit suivante, le prêtre Zacharie recueillit les précieuses reliques du martyr et les déposa dans une crypte ignorée des persécuteurs.

L’autel s’élève aujourd’hui sur ce corps sacré, hostie immolée pour le Christ. Là, le bienheureux évêque distribue encore à son troupeau fidèle le céleste aliment des divins mystères, le couvre de sa protection et le fortifie par ses miracles. En 1562, les huguenots profanèrent son auguste tombe et dispersèrent ses cendres. Le crâne, jeté sur le chemin, fut recueilli par un catholique, et déposé plus tard dans l’église primatiale de Saint-Jean, où on le vénère encore.

Une ancienne inscription porte à dix-neuf mille le nombre des chrétiens de Lyon qui confessèrent, avec leur saint évêque, le nom de Jésus-Christ.

Réflexion pratique

Telle est la foi chrétienne : Irénée, un homme de génie, la croit, l’annonce, la défend par sa parole et sa plume, et donne pour elle jusqu’à la dernière goutte de son sang.

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