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« La sainte de la patrie » tel est le beau titre qu’une bouche très autorisée a donné à la vierge, la Pucelle, de Domrémy. Jeanne d’Arc et la France, deux noms qu’on ne peut séparer.

La France doit d’avoir vécu à Jeanne d’Arc, et celle-ci demeure la plus pure personnification du patriotisme, mais du patriotisme chrétien. C’est par là qu’elle est sainte : selon l’heureuse expression d’un de ses historiens, comme d’autres ont vu, ont aimé les pauvres en Dieu, — et par cette charité ont mérité l’auréole — Jeanne vit et aima en Dieu la patrie ; pour Dieu elle s’est donnée, s’est sacrifiée à la France. C’est le caractère propre de sa sainteté.

Elle était la dernière des quatre enfants d’un modeste laboureur, venu de Ceffonds, en Champagne, pour se fixer à Domrémy, petit village français de la Marche, c’est-à-dire des frontières de Lorraine. Jacques d’Arc avait épousé Isabelle Romée ; avec elle, il vivait de sa maisonnette, tout près de l’église, et de la cinquantaine d’arpents qu’il possédait et cultivait lui-même.

Bon Français — comme tous les habitants de Domrémy, sauf un — il fit souche de patriotes : trois d’entre ses enfants, Jeanne et ses deux frères, combattraient pour faire cesser la « grande pitié qui régnait au pays de France ». Quand naquit Jeannette — c’est le nom qu’elle portait au village — le 6 janvier 1622, ce pays « le plus beau après celui du Ciel » était bouleversé par les dernières convulsions de la guerre de Cent ans.

Ce fut l’année même de la mort de Charles VI. Le fils du pauvre dément, renié par Isabeau de Bavière sa mère, n’était plus maître — et combien peu ! — que d’une toute petite partie de son royaume. Il semblait devoir tout perdre bientôt, et ne trouvait de réaction, contre le malheur qui l’accablait, ni en lui ni dans son entourage immédiat. Tandis qu’il se demandait avec angoisse si Dieu ne le rejetait pas comme un héritier illégitime, à Domrémy grandissait dans la douceur, dans la piété, dans la vigueur aussi d’une nature saine et agreste, l’enfant qui le sauverait. Elle était bonne, soumise, aimée de ses petites compagnes, qui la trouvaient seulement trop pieuse et trop sérieuse, bien qu’elle ne se refusât ni à jouer, ni à chanter, ni même à danser avec les enfants de son âge. Et elle avait déjà la répartie vive, piquante, plaisante même, qui est si vraiment française et dont elle devait user jusque devant ses juges.

Telle était Jeannette, préparée par la main de Dieu et se prêtant fidèlement à cette action sainte, lorsqu’au commencement de l’été de 1424, elle eut une vision : dans le petit jardin qui égayait la maisonnette paternelle, une grande lumière lui apparut, une voix l’appela : « Jeannette, Jeannette ! sois bonne, pieuse, fréquente l’église ! » Elle fut effrayée d’abord ; mais l’apparition se renouvela : « Quand je l’eus entendue trois fois, dit-elle à ses juges, je connus bien que c’était la voix d’un ange. » L’ange se nomma : c’était saint Michel, le patron de la France ; il lui révéla qu’elle était destinée à sauver la patrie, à la délivrer du joug anglais. L’enfant protestait de son impuissance, terrifiée d’une tâche au-dessus des forces humaines ; mais l’archange insistait, disait la volonté de Dieu, amenait avec lui deux vierges, deux martyres, sainte Catherine et sainte Marguerite, qui seraient les compagnes presque continuellement visibles et les soutiens de leur jeune sœur. Et Jeannette, qui, dans le désir de leur ressembler et d’être mieux prête aux appels divins, avait tout de suite fait vœu de virginité, commença de plier son âme à cette étrange et sublime vocation.

La formation dura près de quatre ans. Jeanne — elle l’a dit elle même — s’éloigna dès lors des amusements de la jeunesse ; elle devint plus méditative, prêta davantage l’oreille aux grâces qui l’appelaient à une prière plus absorbée, à un détachement plus absolu. Elle chercha une pureté d’âme plus liliale dans la pratique très fréquente des sacrements. « Elle se confessait trop souvent » disait le curé ; elle communiait toutes les fois qu’on le lui permettait. Et elle restait « bonne, simple et douce », — attesta son amie Hauviette — très charitable aux pauvres, modeste et discrète : elle ne révéla rien à personne des apparitions célestes.

Mais un jour Dieu, l’ayant parfaite, l’envoya. En mai 1428, l’ordre définitif lui fut donné : ses irrésolutions, ses inquiétudes disparurent. Dorénavant elle ne s’arrêtera devant aucun obstacle : elle accomplira sa mission, et d’abord elle ira trouver le roi à Chinon, « dût-elle user ses jambes jusqu’aux genoux ! » Gagné enfin par sa douce assurance, le rude Robert de Baudricourt lui donne un cheval, une petite escorte ; elle se lance sans peur dans ce long et périlleux voyage : elle sait qu’’il réussira.

La voici devant Charles, le « gentil dauphin », qu’elle reconnaît, malgré son déguisement, au milieu de ses courtisans, qu’elle convainc et décide en lui dévoilant un secret connu de lui seul et de Dieu, des choses qu’elle ne révélera jamais, dût-elle en mourir. En vain on lui oppose une froideur, une défiance, une hostilité implacables ; on lui fait subir des examens, des interrogatoires, des affronts. Cette jeune fille de seize ans a réponse à tout, se joue de toutes les subtilités, se montre si dévote, si pure, si surnaturelle en un mot, qu’il faut se rendre et lui permettre de donner par les faits la preuve de sa mission divine.

Orléans la reçoit en triomphe ; dans cette ville assiégée, désespérée, défendue en vain par les meilleurs capitaines, La Hire, Xaintrailles, Dunois surtout, elle se révèle tout à coup chef d’armée éminent, de prompt et avisé conseil, de décision rapide, de courage inébranlable. Son autorité, contestée quelquefois par les chefs, jaloux ou trop peu croyants, est acceptée d’enthousiasme par le peuple et par les troupes. « La veille, a déposé Dunois, deux Anglais auraient fait fuir huit Français de l’armée royale. Mais, dès qu’elle fut entrée dans la ville, quatre ou cinq cents des nôtres auraient tenu tête à toute l’armée anglaise. » Cette autorité, elle la fait servir d’abord à rétablir les mœurs et le respect de Dieu. Elle ne veut que des soldats confessés.
Mais quand ils le sont, rien ne lui résiste : en quatre jours les Anglais sont chassés des trois bastilles qui commandent Orléans et contre lesquelles jusque-là on n’a rien pu. Jeanne préside à tous les combats. D’une main son épée, dont jamais elle n’a porté un coup, de l’autre son étendard, où brillent les mots Jhesus Maria et où elle met toute sa confiance, elle affronte tous les dangers, dirige la lutte, donne le signal de l’assaut.
Voilà Orléans délivré. Que faut-il admirer le plus : le miracle du salut ou la sainteté si pure, si modeste, si haute de l’héroïne ?

Et puis c’est la suite des triomphes qui dégagent la Loire : Jargeau, le pont de Meung, Beaugency, Patay, Janville. Ensuite c’est Charles, le dauphin, qu’il faut décider à venir à Reims, où il sera sacré, et que retiennent les intrigues jalouses et sournoises de La Trémoille et de Regnault de Chartres. Le 27 juin 1429, Jeanne la première, pour emporter la volonté hésitante de Charles, s’élance sur le chemin ; elle presse la marche, car elle sait qu’ « elle durera peu de temps ». Contre toute attente, nul obstacle sérieux ne se rencontre ; le 16 juillet, Reims ouvre ses portes ; le 17, un dimanche, Charles VII reçoit l’onction royale.

Jeanne était près de lui, son étendard à la main : « Il avait été à la peine, il était juste qu’il fût à l’honneur. » Le sacre fini, elle tombe aux genoux du roi en pleurant à chaudes larmes : « Gentil roi, lui dit-elle, or est exécuté le plaisir de Dieu, qui voulait que je fisse lever le siège d’Orléans et vous amenasse en cette cité de Reims recevoir votre digne sacre, en montrant que vous êtes vrai roi et celui auquel le royaume de France doit appartenir. » « Et moult faisait grand pitié à tous ceux qui la regardaient. »

La mission de Jeanne était-elle achevée ? Pour sa gloire militaire, peut-être : l’ère des succès est close ; mais pour sa sainteté, mais pour l’amour de tendre pitié qu’elle mettrait au cœur de tous les Français, non. Le malheur complète la vertu et lui « donne je ne sais quoi d’achevé ». C’est le bûcher qui a définitivement conquis à Jeanne son auréole. Après Reims, la cour se désintéresse d’elle et se refuse à son influence. En vain Soissons, Laon, Château-Thierry, d’autres villes, font leur soumission ; puis Compiègne, puis Seulis. Paris, un instant assiégé, résiste ; il faut en quitter les murailles ; dès lors la retraite sans honneur commence. Jeanne, qui est venue défendre Compiègne, est prise : Guillaume de Flavy, par une prudence qui flaire la trahison, a fait fermer les portes de la ville, tandis qu’elle lutte encore devant. Elle est vendue aux Anglais par Jean de Luxembourg et traînée à Rouen, où on va la juger.

Bedfort, le régent d’Angleterre, veut sa mort ; il ne peut l’obtenir, puisqu’elle est prisonnière, qu’en lui faisant faire un procès d’hérésie. Il a pour cela son homme, Cauchon, l’évêque de Beauvais, juge plus inique que Pilate même. Cauchon se trouve des assesseurs et des complices. Devant le tribunal, composé de ses âmes damnées, il va, pendant quatre mois et demi torturer la malheureuse enfant. Cette innocence, cette simplicité, cette touchante ignorance sera livrée à tous les assauts des plus froidement haineux, des plus subtilement tortueux interrogatoires. Forte de son droit, de sa mission divine, de son loyal patriotisme, forte de toutes les qualités de cœur et d’esprit de sa race, forte surtout de sa sainteté, humble et fière, imperturbable, mais vive, Jeanne fait tête de tous les côtés à la meute furieuse, qui s’enrage de ne pouvoir la trouver en défaut ni l’acculer à ses pièges. Il faut enfin, le honteux procès achevé à son honneur et à l’opprobre de ses assassins, tendre une embûche à sa chasteté, la forcer, en dépit de sa promesse mais pour sauvegarder sa vertu, à reprendre ses habits d’homme, afin de crier à la rechute et la conduire sans retard à l’échafaud. Jeanne y monta avec une douce faiblesse de femme et un héroïsme de Sainte qui arracha des larmes à ses bourreaux eux-mêmes. Alors, si jamais, éclata son amour de Dieu, sa passion pour l’Eucharistie, sa confiance aux mérites de la croix, sa fidélité à la mission divine. Son dernier cri fut un appel à Jésus, ce Jésus qu’elle avait si vaillamment servi, si tendrement aimé, dont le nom avait été son drapeau, en qui, par qui elle donnait sa vie pour la France.

On dit qu’un soldat anglais, lorsqu’elle expira, vit une colombe s’échapper du bûcher vers le ciel : légende peut-être ; mais jamais symbole ne fut plus expressif et plus vrai.

Ouvrage : Saints et Saintes de Dieu, Imprimatur 30 Décembre 1924

Désignée par le Pape Pie XI comme patronne secondaire de la France.

«Jeanne, épouse du Christ, patronne et gardienne de la France » « fut suscitée miraculeusement par Dieu pour défendre la foi et la patrie». «Instruite par des Voix célestes et remplie de la lumière de Jésus », elle sut, par sa sagesse, s’imposer à l’admiration des princes et des grands, soumettre des nations étrangères, et laisser à la postérité un souvenir éternel ».

« Revêtu de la cuirasse de la justice, et les reins ceints de la vérité », la Pucelle « quitte par obéissance son père et sa mère, et devenue soldat de Dieu, elle s’en va chevauchant sans peur où l’Archange Michel l’envoie ». « Au milieu des dangers mortels, elle ne craint pas, car le Seigneur Jésus qui est avec elle », « la revêt de sa force », « la nourrit de son pain céleste et lui accorde la victoire ».

Environnée de flammes, elle invoque Jésus et embrassant la croix elle s’envole vers lui comme une innocente colombe ». Elle « va se joindre aux chœurs bienheureux des Vierges » « où elle prie beaucoup pour son peuple et pour toute la nation française ». Elle mourut en 1431. — Demandons « au Saint-Esprit qui fait les âmes pieuses et courageuses », de nous donner « de puiser comme Jeanne dans la Sainte Communion la vaillance dont elle nous a donné de si beaux exemples, puisqu’elle affronta, pour repousser les ennemis, même les périls de la guerre ».

Lecture du livre de la Sagesse

Je me suis proposé d’amener la sagesse à vivre avec moi, sachant qu’elle me communiquera ses biens, et qu’elle sera la consolation dans mes peines et dans mes ennuis. À cause d’elle j’acquerrai de la gloire devant la multitude, et quoique jeune, de l’honneur devant des vieillards. Je serai trouvé pénétrant dans les jugements, en présence des puissants je serai admirable ; et la face des princes me regardera avec étonnement. Quand je me tairai ils attendront patiemment et quand je parlerai, ils me regarderont et quand je discourrai sur plusieurs sujets, ils mettront la main sur la bouche. Outre cela, j’aurai par elle l’immortalité, et laisserai une mémoire éternelle à ceux qui doivent venir après moi. Je gouvernerai des peuples et des nations me seront soumises. Les rois redoutables me craindront lorsqu’ils entendront parler de moi : Au milieu de la multitude je me montrerai bon et dans la guerre, vaillant.

Missel Dom Gaspar Lefebvre (1934)

La messe solennelle est célébrée le Dimanche après le 8 Mai.

Jeanne d'Arc, Histoire d'une âme, par l’Abbé Olivier Rioult

Conseil de lecture : Jeanne d’Arc, Histoire d’une âme, par l’Abbé Olivier Rioult

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