Ceux qui n’ont jamais reporté leurs
cœurs vers ces temps de foi, où un acte de religion
était une fête de famille,
et qui méprisent des plaisirs qui n’ont
pour eux que l’innocence ; Ceux-là ,
sans mentir, sont bien à plaindre.
Chateaubriand

L’Épiphanie, une de nos plus belles fêtes religieuses, est devenue une véritable fête de famille. Notre siècle, qui a relégué dans l’oubli tant de pieuses coutumes de nos pères, a voulu conserver celle du Roi de la Fève.

Certains critiques se sont élevés contre cet usage, dont l’origine se trouve parmi les institutions païennes. Mais une pensée de charité chrétienne l’a sanctifié ; celle-ci veut qu’on réserve du gâteau des Rois une part pour les pauvres, c’est ce qu’on nomme en beaucoup d’endroits la part à Dieu. De savants auteurs ne font pas remonter l’origine du Roi boit au-delà du XIVe siècle ; ils la trouvent dans ces rites figurés, dans ces scènes dramatiques qui avaient lieu autrefois dans les grandes collégiales : Besançon , Limoges , Orléans, Angers, Clermont-Ferrand avaient leur Office de l’Etoile. L’office ci-dessous, qui se célébrait à Rouen, est reproduit d’après les manuscrits :

OFFICE DES TROIS ROIS, SELON L’USAGE DE L’EGLISE DE ROUEN

Le jour de l’Épiphanie, après tierce, trois chanoines des premières stalles, parés de chappes et de couronnes, arrivent de trois côtés devant l’autel, avec leur suite, revêtue de tuniques et d’amicts et chargée de présents.

Celui des trois Rois qui est au milieu, montrant l’étoile : L’étoile est étrangement brillante.
Le Roi du côté droit : Elle nous montre que le Roi des Rois est né.
Le Roi qui est à gauche : Les anciennes prophéties avaient annoncé sa venue.
Les trois Mages réunis devant l’autel, s’embrassent et chantent ensemble : Marchons , cherchons-le, pour lui offrir des présents, l’or, l’encens et la myrrhe.

Le chantre entonne alors le répons : Magi veniunt etc., et la procession se met en mouvement. Arrivés au milieu de la nef, les Mages se montrent l’étoile placée au-dessus de l’autel et chantent ainsi : Cette étoile vue en Orient, marche encore étincelante devant nous. C’est cette étoile qui annonce celui qui est né, et dont Balaam avait dit : « Une étoile sortira de Jacob et un homme d’Israël s’élèvera , et celui-là brisera sous lui tous les conducteurs des nations étrangères, et toute la terre sera sous sa puissance. »

A ces mots, deux chantres debout de chaque côté de l’autel demanderont doucement : Qui sont ceux-là qui, sous la conduite d’une étoile, viennent à nous et parlent une langue étrangère ?
Les Mages répondant : Nous que vous voyez, nous sommes les rois de Tarse, de l’Arabie et de Saba, nous apportons, des présents au Roi Christ, au Seigneur qui est né, nous venons sous la conduite d’une étoile pour l’adorer.

Les deux chanoines, en dalmatique ouvrant la courtine : voici celui que vous cherchez, hâtez-vous de l’adorer, car il est le Rédempteur du monde.
Les Rois se prosternant : Salut, prince des siècles.
Le premier, prenant l’or : Reçois cet or, ô Roi !
Le second, offrant l’encens : Roi Dieu ! prends cet encens.
Le troisième, offrant la myrrhe : ô Dieu fait homme, prends cette myrrhe, symbole du tombeau.
Cependant on fait l’offerte au clergé et au peuple, et les Mages feignent de dormir, soudain un enfant vêtu de blanc dit cette antienne :

Toutes les prophéties sont accomplies, allez-vous-en par un autre chemin afin de ne pas trahir un si grand Roi.

Épiphanie
Épiphanie

Les Rois se retirant du côté de l’épître , ils rentrent dans le chœur par le côté gauche, la procession les suit comme les dimanches, et l’on commence la messe.

L’office terminé, le chanoine officiant qui avait figuré le Roi des Rois, donnait à tout le chapitre une collation où il était traité comme le Roi de la compagnie.

Cette exemple ne tarda pas à être suivi par les séculiers, et chaque famille un peu nombreuse eut son Roi, désigné par le sort, et comme marque de distinction, lorsqu’il buvait, chacun s’’écriait : « Le Roi boit ! vive le Roi !

Le mystère de l’Épiphanie a encore donné lieu à d’autres usages qu’’on pourrait volontiers appeler pieux.

Les douze nuits qui séparent la fête de Noël de celle de l’Épiphanie sont appelées saintes. Quand la douzième nuit arrive, dans les campagnes, les enfants tiennent dans leurs mains des torches allumées ; ces flammes qui courent et s’agitent sur les coteaux et dans la plaine, les cris de joie des enfants qui promènent ces feux, tout cela produit un charme singulier, et rappelle cette lumière mystérieuse qui guidait à travers les campagnes d’Israël les Mages de l’Orient.

Dans beaucoup de lieux, le mercredi des quatre-temps de décembre, avant le jour, on célèbre la messe du départ des Mages. Cette messe qu’on appelle communément la Messe d’or, est dite en faveur des voyageurs.

Les Mages, en effet, sont les patrons et le modèle des pèlerins, comme aussi de tous ceux auxquels le devoir impose de longs voyages. Les Mages ont promptement obéi à la voix céleste qui les appelait, et ne se sont laissés rebuter par aucune difficulté. Voilà pourquoi Dieu a si généreusement récompensé leurs efforts.

La tradition rapporte que saint Thomas étant venu évangéliser les provinces où ils vivaient encore, versa sur leur front vieilli l’eau du baptême. Après cette dernière grâce ils s’endormirent dans la paix du Seigneur.

En mémoire des Rois Mages, et pour honorer les témoignages de leur foi et de leur amour, jadis nos rois avaient coutume d’offrir à l’autel, le jour de l’Epiphanie, trois coupes dorées et émaillées, qui contenaient de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Ce pieux usage fut souvent imité par les fidèles, avec cette différence que les présents étaient bénits par le prêtre qui les leur rendait afin qu’ils fussent gardés comme un gage de bénédiction pour leurs maisons et leurs familles.

Abbé V. G. Berthoumieu (1873)

Vous, petits enfants, vous êtes de Dieu et vous avez vaincu ces prétendus prophètes parce que celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde.
1 Jean 4:4

Panier

Tous droits réservés et déposé à l'INPI : Terre Mystique © . Textes ou les photographies ne peuvent être reproduites, téléchargées, copiées, stockées, dérivées ou utilisées en partie ou en intégralité.

 
Retour en haut