NOËL

NOËL

Sus! pastoureaux et bergers,
Entonnons noë! noë! noë !
Sus ! bergers et pastoureaux,
Entonnons nau ! nau! nau!
Noël Bourguignon

La fête de Noël venant dans la saison des frimas apparaît comme une fleur embaumée éclose sous la neige.

« Cette fête, dit M. J. Carnaudet, la plus belle de la religion catholique, devait être nécessairement la plus belle des fêtes de la famille chrétienne ; aussi, dans tous les âges, à toutes les époques et chez tous les peuples, on retrouve les fêtes de Noël avec un caractère différent, mais toujours naïves et innocentes.

» Si nous consultons nos souvenirs historiques et nous nous reportons au moyen-âge, nous voyons que la veille de ce grand jour, dès le matin, le seigneur du village et ses vassaux, après s’être parés de leurs riches vêtements, précédés des hautbois de l’Avent (1), se rendaient au parc des coulpes forestières (2). Là, le prévôt et le sénéchal, après après avoir fait le signe de la croix et répété trois fois à haute et intelligible voix : Pax sit inter vos, faisaient sortir et rendaient à leurs maîtres les bœufs et les ânons, car ces animaux étaient pendant ces jours de fête en grande vénération, à cause du bœuf et de l’âne qui se trouvaient près de la crèche à Bethléem.

(1) On appelait ainsi les musiciens qui jouaient du hautbois.
(2) C’était une enceinte où l’on renfermait les bêtes prises en dommage dans l’étendue du domaine seigneurial.

» À la nuit tombante, commençaient d’autres réjouissances. Dès que la dernière heure du jour s’était fondue dans l’ombre de la nuit, tous les habitants du pays avaient grand soin d’éteindre leurs foyers, puis ils allaient en foule allumer des brandons à la lampe qui brûlait dans l’Eglise en l’honneur de Marie, Mère de Jésus. Un prêtre bénissait les brandons que l’on allait promener dans les champs. Ces brandons portaient le seul feu qui régnât dans le village. C’était le feu bénit et régénéré qui devait jeter de jeunes étincelles sur l’âtre ranimé.

» Cependant, le père de famille, accompagné de ses enfants et de ses serviteurs, allait à l’endroit du logis où, l’année précédente, ils avaient mis en réserve les restes de la bûche de Noël. Ils apportaient solennellement ces tisons ; l’aïeul les déposait dans le foyer et tout le monde se mettait à genoux, récitait le Pater, tandis que deux forts valets de ferme apportaient la bûche nouvelle. La bûche nouvelle était toujours la plus grosse qu’on pût trouver ; c’était la plus forte partie du tronc de l’arbre, ou même la souche ; on appelait cela la Coque de Noël ; on y mettait le feu et les petits enfants allaient prier dans un coin de la chambre, la face tournée contre le mur, afin, leur disait-on, que la souche leur fit des présents ; et tandis qu’ils priaient l’Enfant Jésus de leur accorder la sagesse, on mettait au bout de la bûche des paquets de fruits confits, des noix et des bonbons.

À onze heures, tous les jeux, tous les plaisirs cessaient. Dès les premiers tintements de la cloche, on se mettait en devoir d’aller à la messe ; on s’y rendait en longues files, avec des torches à la main.

» Avant et après la messe, tous les assistants chantaient des noëls, et on revenait au logis se chauffer à la bûche et faire le réveillon dans un joyeux souper. Outre les lumières accoutumées, deux cierges animaient l’ordonnance du repas.

» Noël ! Noël ! a été longtemps le cri des Français. Non-seulement il était en usage à la fin de l’Avent, mais encore dans la plupart des circonstances ; il correspondait à notre exclamation de Vive le roi ! On criait noël surtout au couronnement, aux entrées des souverains et à toutes les grandes fêtes. »

L’office de la nuit de Noël à toujours été célébré entre tous ceux de l’année et solennisé avec une dévotion spéciale. Dans la plupart des églises, il est d’usage d’ériger une crèche, sorte de petit théâtre en forme de grotte ou de cabane, où des personnages en cire habillés avec goût, figurent la naissance du Christ entre le bœuf et l’âne, l’adoration des bergers et celle des Rois mages.

Nativité se trouvant à Notre-Dame-des-Champs à Paris
Nativité – Notre-Dame-des-Champs à Paris

En plusieurs lieux, des enfants habillés en bergers viennent avec des agneaux enrubannés adorer le petit Jésus. Cet usage n’est qu’un souvenir de ce qui se passait dans nos vieilles cathédrales au moyen-âge. La naissance du Sauveur avec ses circonstances principales, y étaient représentées par des acteurs. Une jeune fille à genoux représentait la Vierge Marie, un enfant de chœur vêtu de blanc, avec des ailes d’azur, figurait un ange.
Il s’approchait de la jeune fille et lui récitait l’Ave Maria, auquel celle-ci répondait : Fiat, (Que votre volonté soit faite) ; Ceci se disait au commencement de la messe. Mais après l’Évangile, on voyait apparaître l’ange qui annonçait aux bergers la grande nouvelle ; rien n’était oublié et le bœuf et l’âne y avaient leur place.

Cet âne, que la tradition nous représente dans l’étable où naquit le Sauveur, avait une fête et un office spécial en ces solennités de Noël. On choisissait un âne beau et bien fait.
Après l’avoir couvert de riches parements, on le conduisait en procession à l’église et l’on commençait la messe ; l’Introït, le Kyrie et le Gloria étaient terminés par ce cri trois fois répété : Hihan ! Hihan! Hihan ! De même agrès l’Ite missa est, le peuple répondait en chœur : Hihan ! Hihan ! Hihan !
Après l’épitre, on entonnait la célèbre prose de l’âne : Orientis partibus. Chaque verset était accompagné de ce refrain en langue vulgaire :

Hez, sire asne, ça chantez, 
Belle bouche rechignez ;
Vous aurez du foin assez
Et de l’avoine à planter.
Hez va ! hez va ! hez va ! hez !
Bialx sire asne, ça allez
Belle bouche, ça chantez.

« Telle est, dit Onésime Leroy, cette fête de l’âne, dont on a trop souvent exagéré le ridicule, sans en daigner rechercher l’esprit, idée étrange si l’on veut, mais que l’on comprendra, si l’on sent combien il est naturel de s’abandonner à la joie la plus folle en éprouvant un grand bonheur, et de se figurer que le plus stupide animal n’y peut être insensible (1).
(1) Etudes sur les Mystères.

On ferait un curieux volume à rappeler les variétés de fêtes qui partout animent le jour de Noël. Dans la Picardie, un berger portant dans une riche corbeille un agneau nouveau né, le présente à la bénédiction de l’officiant ; il est suivi de plusieurs bergers et bergères à la houlette traditionnelle et munis de paniers chargés de fleurs et de fruits. L’agneau qui figure dans la cérémonie est considéré ensuite comme le protecteur du troupeau. On le laisse mourir de vieillesse dans la ferme assez heureuse pour le posséder. Des légendes racontent les malheurs survenus aux troupeaux dont le chef, regardé comme privilégié, avait été vendu par un maître avare et cupide.

La fête de Noël a le secret d’inspirer la charité chrétienne ; dans les pays où la foi est encore vive, on voit des familles qui, pour honorer celle de Nazareth, invitent à leur table un vieillard pauvre, une pauvre femme, un pauvre enfant ; d’autres habillent un enfant pauvre.

A Rome, dans l’église d’Ara Cæli, chaque année, un enfant à qui l’usage permet en ce jour de prendre la parole dans le lieu saint, prêche la foule et la convie à aimer et à imiter l’Enfant-Jésus. C’est la fête des enfants ; on aime à entendre ces voix pures qui enseignent la vérité aux docteurs, comme l’Enfant-Jésus dans le temple.

» Du cristal ou de l’or que notre cœur émane
» Le vase le plus pur est le cœur d’un enfant. » (1).
(1) Lamartine. Harmonies.

En Flandre, les petits enfants accompagnent en foule leurs parents à la messe dite de Missus, qui se célèbre de grand matin, le mercredi avant le quatrième dimanche de l’Avent. Les enfants assistent à cette messe en tenant à la main une bougie allumée, et sont persuadés qu’en agissant ainsi le petit Jésus leur apportera une quignole à la Noël.
On appelle quignole une sorte de gâteau en forme de losange au milieu duquel, le plus souvent est fixée une statuette en sucre représentant le divin Enfant. Chaque enfant qui a été sage trouve sous son oreiller, en se réveillant le jour de Noël, une belle quignole que le petit Jésus est venu lui apporter pendant la nuit.

Abbé V. G. Berthoumieu (1873)

Elle mettra au monde un fils et tu lui donneras le nom de Jésus car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
Matthieu 1:21
Panier

Tous droits réservés et déposé à l'INPI : Terre Mystique © . Textes ou les photographies ne peuvent être reproduites, téléchargées, copiées, stockées, dérivées ou utilisées en partie ou en intégralité.

Retour en haut