9 Août – Le Bienheureux Jean-Marie Vianney, Confesseur – Curé d’Ars (1786-1859)

9 Août – Le Bienheureux Jean-Marie Vianney, Confesseur – Curé d’Ars (1786-1859)

« Le saint curé d’Ars, » celui dont le pape Pie X disait : « Oh ! fasse Dieu que tous les curés sans exception prennent pour exemple le vénérable Vianney ! » était issu d’une modeste famille de très chrétiens cultivateurs.

Matthieu Vianey, — ainsi s’écrivait son nom, si son fils adopta une orthographe un peu différente, — faisait valoir avec sa femme, Marie Beluse, et ses six enfants une ferme du village de Dardilly, à peu de distance de Lyon. Rien n’était plus pieux que la mère qui disait à ses enfants : « Je n’aurais pas de plus grand chagrin que de voir un de vous offenser le bon Dieu. » Rien de plus charitable que le père, accueillant tous les pauvres passants à sa table, dans sa grange, donnant aux misérables son blé et son bois. Un jour il eut la récompense de secourir et de loger un saint mendiant qui s’appelait Benoît-Joseph Labre.

Jean-Marie, le quatrième de la famille, né le 8 mai 1786, profita plus et mieux que ses frères et sœurs de telles leçons. Sa mère l’avait offert, avant sa naissance, pour le service de Dieu et ne caressait pas de plus chère espérance que de le voir prêtre. Lui, tout petit, aimait la prière : il priait caché dans un coin de retable ; il priait en conduisant ses bêtes aux champs ; il priait pendant la sieste, étendu près des autres et, déjà par humilité, faisant semblant de reposer comme eux. Animé de l’esprit apostolique, il réunissait et exhortait avec une rare autorité ses petits camarades : « Allons ! mes enfants, concluait-il paternellement, soyez bien sages; aimez bien le bon’Dieu ! »

Il n’avait que cinq ans lorsque la persécution religieuse commença. Mais ce pays très fidèle à Dieu garda soigneusement quelques prêtres zélés qui y entretinrent la foi, et les parents eurent souci d’instruire leurs enfants. Pourtant ce n’est qu’à onze ans que pour la première fois Jean-Marie reçut le sacrement de pénitence; deux ans après, uni à seize jeunes camarades, il faisait en cachette sa première communion : avec quel amour, les enfants s’en doutaient qui, le regardant en prière, disaient : « Voyez le petit Vianey qui fait assaut avec son bon ange ! »

De bonne heure il eut le désir du sacerdoce ; il n’osait en parler ; enfin à dix-sept ans il le manifesta à son père. Mais Matthieu Vianey n’était pas assez riche pour payer les études de son fils. Heureusement le curé d’Écully, paroisse très voisine et dont Marie Beluse était originaire, M. Balley, s’offrit à donner à Jean-Marie ses premières leçons de latin : elles commencèrent en 1805. M. Balley fut vraiment le père de cette âme; il lui enseigna surtout l’amour de Dieu et des hommes et l’austérité qui attire les grâces. Mais les débuts du jeune homme dans les lettres furent pénibles ; plus pénibles encore les années qu’il passa au petit séminaire de Verrières. C’est à grand’peine qu’il fut admis à faire sa théologie : sa sainteté, et non sa science, décida le grand vicaire, M. Courbon, à le faire avancer au sous-diaconat. Non qu’il manquât d’esprit, encore moins d’intelligence mais sa mémoire était rebelle et, ayant débuté tardivement dans l’étude du latin, il ne put jamais s’emparer de cette langue, indispensable aux sciences cléricales. Enfin le 13 août 1815, Mgr Simon, évêque de Grenoble, suppléant le cardinal Fesch, archevêque de Lyon, lui conféra la prêtrise, et tout de suite l’abbé Vianney fut donné comme vicaire à son cher maître, le curé d’Écully. Celui-ci prit à cœur de compléter sa formation ; il lui fit reprendre sa théologie ; il l’associa à sa vie de prière et de mortification ; surtout il l’aida par son exemple à développer en lui le goût de la charité et de la pénitence : c’est à Écully que l’abbé Vianney apprit à faire cuire le lundi les pommes de terre qui feraient le fond des repas pendant la semaine entière, ce qui devint son habitude quand il fut curé d’Ars.

Il le fut bientôt : M. Balley mourut quelques mois seulement après l’arrivée de son vicaire, le 16 décembre 1817, comme un saint. Et tout de suite M. Courbon mandait le jeune prêtre : « Vous êtes nommé curé d’Ars, lui dit-il. C’est une petite paroisse où il n’y a guère d’amour de Dieu. Vous en mettrez. »

C’était juger sainement et le pays et son nouveau pasteur d’Ars, — qui en 1825 serait détachée du diocèse de Lyon pour entrer dans celui de Belley nouvellement fondé,— était une mince bourgade, non point impie, mais fort indifférente : nombre d’hommes se dispensaient de la messe du dimanche et, pour un rien, du repos dominical ; personne ou à peu près aux vêpres ni aux messes quotidiennes ; beaucoup de cabarets et conséquemment d’ivrognes ; beaucoup de danseurs aussi ; peu de pâques parmi les hommes. M. Vianney ne fut pas découragé ; il entreprit de changer sa paroisse, il réussit. Visites fréquentes à ses paroissiens, où il se montrait paternel sans familiarité, et de bon conseil avec discrétion ; — charité sans bornes, qui lui faisait donner tout ce qu’il avait, jusqu’à son linge et ses vêtements, et le réduisait à une telle pauvreté, que jamais il n’eut de manteau dans ce pays très froid, et jamais deux soutanes ; — austérité telle, qu’il ne mangeait qu’une fois par jour, parfois trois jours seulement dans une semaine, et le plus souvent des pommes de terre qui moisissaient dans le chaudron : « Elles sont bonnes encore, » déclarait-il un jour, en les pelant, à sa sœur, dont le cœur se soulevait à leur vue ; — piété surtout : il habitait littéralement dans son église, ne rentrant au presbytère que pour y dormir quelques heures sur un lit dont les draps cachaient la paille et les fagots qui remplaçaient oreiller et matelas ; — travail acharné enfin, pour préparer et apprendre les prônes appropriés à la pauvre mentalité et à la grossière ignorance de ses paroissiens.

Tout cela eut raison de l’apathie de la population ; elle revint à la religion, émerveillée de la sainteté, affable et douce autant que mortifiée et respirant Dieu, de son pasteur. « Ars n’est plus Ars, disait, quelques années après, celui-ci dans la jubilation ; je n’ai trouvé nulle part d’aussi bons sentiments qu’ici. » Plus de blasphèmes ni de querelles ; plus de travail le dimanche, mais l’assistance de tous à la messe, de beaucoup aux vêpres, au chapelet, à la prière du soir ; un seul cabaret, qui recevait de la cure le mot d’ordre, et pas de danses ; tout le monde faisait ses pâques et beaucoup de femmes communiaient toutes les semaines.

Tout le travail que s’était imposé le curé d’Ars pour obtenir ces résultats ne l’avait pas empêché de se mettre à la disposition de ses confrères des environs pour donner des missions dans leurs paroisses. Là tout de suite il se révéla merveilleux confesseur et directeur d’âmes. On commença à venir à lui, non seulement pendant la mission, mais dans son église : le pèlerinage d’Ars s’établissait. Ce fut le commencement des persécutions.

Des prêtres jaloux, et d’autres soucieux de ce qu’ils croyaient être le bien des âmes et l’honneur de l’Église, s’avisèrent qu’il n’était qu’un maladroit, un ignorant, un danger universel. On le poursuivit de diffamations, de lettres anonymes ou signées, de dénonciations à l’évêque, de calomnies qui s’attaquaient même à ses mœurs. L’humilité du Saint profitait de ces tempêtes ; plus que personne il reconnaissait son indignité, avouait ses « pauvres péchés », ses « pauvres misères » ; il remerciait de leur charité ceux qui lui écrivaient : « Quand on a aussi peu de théologie que vous, on ne devrait jamais entrer dans un confessionnal. » Mais l’évêque de Belley prenait sa défense nettement et imposait silence à la censure ; et puis la sainteté faisait son œuvre et transformait les critiques en admirateurs et en amis.

Le diable se mit de la partie ; il tourmentait le saint homme la nuit, troublant, empêchant son bref sommeil, tapageant autour de la maison, dans l’escalier, le grenier, la chambre même, mêlant les insultes au bruit. Mais M. Vianney n’avait point de peur du « grappin », comme il disait ; il se résignait, malgré sa fatigue, à ne pas dormir, riait des injures, se moquait des sévices. Pendant trente-cinq ans il fut soumis à ces persécutions ; elles ne cessèrent que six mois environ avant sa mort. Mais il se consolait en pensant que la pénitence qu’elles lui infligeaient sauvait les âmes.

De fait, se propageant comme le feu, la réputation du saint curé avait envahi la France entière. Les pèlerins venaient en foule chercher à Ars la paix de la conscience, la consolation dans les épreuves, la lumière pour l’avenir… Un rapport officiel estime à vingt mille par an le nombre des visiteurs qui se pressaient dans le bourg. Ils consentaient à attendre la journée entière, silencieux et priant, dans l’église, leur tour d’audience. Mais de son côté M. Vianney restait au confessionnal, à la sacristie, pour les recevoir, seize ou dix-sept heures par jour, dans une atmosphère glaciale en hiver, étouffante et empestée en été, serein, l’amour de Dieu débordant de son cœur et de ses lèvres, pleurant pour faire pleurer les pécheurs ou consoler les affligés, ne connaissant que la miséricorde et le pardon, du reste doué d’une vue intérieure qui pénétrait aussi bien les mystères de l’avenir que les fautes du passé. Deux fois par jour il sortait du confessionnal, montait en chaire et, sans aucune préparation, — il n’aurait su en trouver le temps, — s’épanchait en ces merveilleuses causeries qu’il appelait le catéchisme et qui lui ont mérité la réputation de l’orateur le plus éloquent et l’admiration du Père Lacordaire lui-même.

Il faudrait dire, bien plus que ces célestes succès, les vertus du saint : cet amour de Dieu qui lui faisait verser des larmes sur la gloire divine offensée : « Mon Dieu, s’écriait-il, que le temps me dure avec les pécheurs ! Quand serai-je avec les Saints ! » — cette patience apostolique prête à répondre à tout appel ; — cette humilité qui disait : « Dieu m’a fait cette grande miséricorde de ne rien mettre en moi sur quoi je puisse m’appuyer : ni talent, ni force, ni science, ni vertu » ; — cette austérité toujours armée contre son « pauvre cadavre », malgré des souffrances continuelles ; — cet esprit de prière inassouvi par les longues heures d’oraison de la nuit ; — cette vie intérieure qu’il définissait : « un bain d’amour dans lequel l’âme se plonge ; » — et enveloppant tout le reste, cette incomparable simplicité qui le faisait tout à tous, semblable à tous, évitant d’instinct tout ce qui aurait ressemblé, même de très loin, à l’affectation. « Mon ami, disait-il à un prêtre, ne nous faisons pas remarquer. » Simplicité même dans ses rapports avec Dieu : « Qu’est-ce que la foi ? » lui demanda-t-on. Et lui de répondre : « La foi, c’est quand on parle à Dieu comme à un homme. »

C’est dans l’exercice de cet apostolat et de cette sainteté que M. Vianney passa les quarante et un ans de son ministère à Ars. Enfin, simplement comme il avait toujours fait, il mourut. Le vendredi 29 juillet 1859, après dix-sept heures de confessionnal, il rentra chez lui exténué. « Je n’en peux plus ! dit-il en s’affaissant sur une chaise. — Vous êtes bien fatigué, monsieur le curé ? — Oui, je crois que c’est ma « pauvre » fin ! » C’était la fin en effet. On retendit sur sa couche, où il laissa introduire un matelas. Pendant cinq jours il agonisa. Le mardi 2 août il demanda les derniers sacrements ; il pleura de joie en voyant entrer son cher Jésus sous les saintes Espèces. Puis, ayant béni sa paroisse et toutes ses œuvres, il ferma les yeux. Il ne les rouvrit que le mercredi soir en souriant doucement à son évêque, Mgr de Langalerie, accouru pour l’embrasser une dernière fois. Le jeudi matin, à 2 heures, il expira pendant qu’on récitait ces paroles de la recommandation de l’âme : « Que les saints anges de Dieu viennent et l’introduisent dans la céleste cité de Jérusalem. »

Déclaré vénérable le 3 octobre 1872 par Pie IX, il fut béatifié par Pie X le 8 janvier 1905. Pie XI, le 31 mai 1925, a canonisé le Curé d’Ars, et, par un Bref du 23 avril 1929, l’a donné pour patron à tous les curés du monde catholique ; la fête, pour l’Eglise entière est fixée au 9 août.

Réflexion Pratique

Si notre état ne nous engage pas à la conversion des pécheurs, la charité nous oblige à la demander à Dieu par de ferventes prières, et à le prier d’envoyer des ouvriers pour faire la moisson.

Panier

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