Il faut distinguer entre la crèche proprement dite (præsepium, comme dit l’Évangile), espèce d’enfoncement pratiqué dans le roc vif de la grotte, et le saint berceau (santa culla) formé de planches, fait par saint Joseph, pour transporter plus commodément le divin Enfant en exil.
Généralement on confond ces deux saintes reliques : il est donc nécessaire de dire un mot de l’une et de l’autre.
La crèche proprement dite où le Sauveur fut déposé après sa naissance sur un peu de paille, se conserve encore de nos jours à Bethléem, dans la grotte de la Nativité, l’étable primitive.
C’est un enfoncement creusé dans la paroi du roc, et dont le bas est soutenu par une colonne de marbre qui remplace plusieurs pierres de la crèche données à certaines églises. Une de ces pierres, assez considérable, fut transportée à Rome, et, de nos jours encore, on la vénère dans la basilique de Sainte-Marie-Majeure, sur l’Esquilin ; elle est encastrée dans l’autel de la crypte de la magnifique chapelle du Saint-Sacrement. Sur cette pierre si précieuse, on a pratiqué un enfoncement, où l’on voit représenté le saint enfant Jésus couché sur la paille, la sainte Vierge et saint Joseph à genoux dans l’attitude de la contemplation.
À Bethléem, pour préserver la crèche des atteintes pieuses des pèlerins, on l’a revêtue de marbre blanc, en forme de berceau d’une longueur de quatre pieds sur deux de largeur. Une fois par an, les RR. PP. Franciscains, qui desservent l’église de la Nativité, enlèvent ce marbre, et, avec un pinceau, recueillent et distribuent les petits fragments qui s’en détachent naturellement.
Le saint berceau (santa culla) fut transporté de Terre-Sainte à Rome, l’an 642, et on le déposa dans la basilique Libérienne. Le magnifique reliquaire qui le renferme peut avoir six pieds de hauteur. Il se compose d’un piédestal d’environ un mètre de longueur et d’une hauteur égale, et d’une urne renfermant les morceaux du saint berceau. Le piédestal est en porphyre, orné sur les angles de belles sculptures en argent, et en avant d’un bas-relief, aussi en argent, représentant l’adoration des Mages. On lit sur la base de ce piédestal, écrit en lettres d’or : Gloria in excelsis Deo et in terra pax.
L’urne, qui est de forme ovale, est supportée par des statuettes d’anges et décorée de festons dorés ; elle est formée de deux superbes coquilles en cristal, simulant un berceau, enchâssées dans des montures en argent richement sculptées. On voit fort bien à travers le cristal les cinq petites planches qui formaient le saint berceau, cerclées de liens en argent doré et entourées de rubans avec des sceaux en cire; ces planches peuvent avoir cinquante centimètres de longueur. L’urne est fermée par un couvercle en forme de dôme, et surmonté d’un petit lit imitant la paille sur lequel est à demi couchée une jolie statuette en argent doré de l’enfant Jésus.
La veille de Noël, cette précieuse relique est exposée dans une petite chapelle attenante à la sacristie de la basilique, et toute l’après-midi le public est admis à la considérer et à la vénérer. Pie IX vient de faire construire, sous l’autel-majeur de la basilique, une chapelle somptueusement ornée, ressemblant à celle de la Confession de saint Pierre. Le 17 avril 1864, il en a fait la consécration et y a déposé la santa culla qui y demeure enfermée maintenant et n’en est retirée que pour la fête de Noël.
Dans la crypte, sous la chapelle du Saint-Sacrement, dont nous avons déjà parlé, on conserve une partie des langes dont le Sauveur fut enveloppé et du foin sur lequel il fut couché. Le manteau dont se servit saint Joseph pour le couvrir et le garantir du froid est vénéré dans l’église de Sainte-Anastasie, et la basilique de Sainte-Croix de Jérusalem a l’avantage d’avoir des cheveux du saint enfant Jésus.
Dans la cathédrale d’Aix-la-Chapelle, on garde également une partie de ces mêmes langes, donnés par sainte Hélène ; ils ont la couleur de l’amadou.
L’opinion commune est que la fête de Noël est plus ancienne dans les Églises d’Occident que dans celles d’Orient, et que celles-ci ne l’empruntèrent aux Latins que vers le IVe siècle. On en croit voir la preuve dans l’homélie de saint Chrysostome pour le jour de la Nativité. En effet, ce Père, s’adressant au peuple d’Antioche, lui rappelle que dix ans auparavant cette fête lui était inconnue ; et, après une assez longue discussion sur le jour de la naissance du Sauveur, il affirme que l’Église de Rome possède à cet égard les renseignements les plus sûrs, et que c’est de cette Église que l’usage de la fête de la Nativité a passé en Orient.
Mais peut-être saint Chrysostome ne veut-il parler que de la pratique consistant à célébrer cette fête isolément le 25 décembre. Car il n’est pas douteux que les Églises orientales ne l’aient célébrée dès les premiers siècles, mais le 6 janvier et conjointement avec l’Épiphanie. Le plus souvent, en effet, les Pères grecs désignent la fête de l’Épiphanie sous le nom de Théophanie, nom qui, au témoignage de saint Grégoire de Nazianze, était également donné à la Nativité, car il signifie au propre apparition de Dieu. Ou s’expliquerait ainsi pourquoi il n’y eut pas autrefois de fête spéciale de la Nativité chez les Orientaux. Cassien l’affirme formellement pour les Églises d’Égypte, et note même d’une manière précise la différence qui existait entre les Occidentaux, qui célèbrent, dit-il, les deux fêtes séparément, et les Orientaux, qui les solennisent simultanément le 6 janvier. Des témoignages analogues se trouvent pour l’Église de Chypre dans saint Épiphane, pour celle d’Antioche et les autres orientales dans saint Chrysostome, et enfin pour celle de Jérusalem et de la Palestine dans de nombreux documents que Cotelier a réunis dans ses notes aux Constitutions apostoliques.
Au contraire, les Églises latines, celles d’Afrique, et même les autres des Grecs tinrent toujours pour le 25 décembre, comme on en trouve la preuve dans saint Jérôme, saint Augustin, et même dans saint Chrysostome, saint Grégoire de Nazianze et saint Basile.
Cependant l’uniformité paraît s’être établie dès le IVe siècle entre les différentes Églises de l’Orient et de l’Occident, qui tontes adoptèrent définitivement le 25 décembre. On trouve dans les les journaux de Jérusalem ont parlé d’une odieuse agression commise à Bethléem par les Grecs contre les moines latins. Voici ce qu’on écrit à la Voce della Verità, en date du 5 mai 1873 :
Le 25 avril dernier, vers les sept heures du soir, plus de trois cents Grecs, poussés par leur évêque schismatique, se sont rués avec des fusils et des sabres dans la basilique de Sainte-Marie, dite Sainte Hélène, et dans le vénérable sanctuaire de la Nativité ou de la Sainte-Crèche. Ils ont fait disparaître tout ce qui appartenait aux Latins et attestait leur droit. Ils ont déchiré et emporté les tupis et trois magnifiques tableaux. I1s ont brisé et dérobé les dix-neuf lampes, dont cinq étaient en argent. Huit religieux Franciscains ont été blessés, et deux d’une manière grave. L Actes du Concile d’Ephèse une homélie de Paul, évêque d’Ephèse, qui fut prononcée le 29 du mois chojac (25 décembre) dans la grande église d’Alexandrie, en présence de saint Cyrille, laquelle a pour titre : De Nativitate Domini et Salvatoris nostri Jesu Christi.
De tout temps, l’Église solennisa avec un grand appareil la fête de la Nativité de Jésus-Christ.
Quelques monuments épigraphiques semblent nous autoriser à penser que, de toute antiquité, cette fête porta le nom que l’Église lui donne aujourd’hui ; ce sont ceux qui offrent le mot Natale isolément. Telle est l’épitaphe d’une enfant morte à l’âge de cinq ans, PRIDIE NATALE, la veille de la Naissance par excellence. Nous voyons que, dès le temps de saint Augustin, la liturgie de cette fête commençait par la nuit qui précède le 25 décembre. Tous les fidèles étaient tenus de se rendre à l’église pendant cette nuit sainte. Il était interdit de célébrer les saints Mystères dans les oratoires privés ou dans les églises rurales; mais tous devaient assister dans l’église cathédrale et communier, à la liturgie célébrée par l’évêque, et cela sous peine d’une excommunication de trois années.
Les plus anciens sacramentaires de l’Église romaine, celui de saint Gélase, par exemple, et celui de saint Grégoire, ont trois messes pour ce jour-là ; et saint Grégoire constate encore ce fait dans sa huitième homélie sur saint Matthieu. Les anciennes liturgies gallicanes et mozarabes n’en ont qu’une ; il en était de même pour l’ambrosienne, comme il paraît par le missel de Milan, édité par Pamelius. Dans les Gaules, il y avait déjà deux messes au temps de saint Grégoire de Tours. L’usage des trois messes ne s’introduisit en Espagne qu’au XIVe siècle, et après le XVe à Milan.
Le jour de Noël, d’après les Constitutions apostoliques, les serviteurs étaient déchargés de leurs travaux ordinaires, le jeûne sévèrement interdit, comme nous l’apprennent le pape saint Léon et le Concile de Prague. Une loi de Théodose le Jeune interdisait en ce saint jour le jeûne et les spectacles.
Nous avons complété le récit du Père Giry, principalement avec les Trois Rome, par Mgr Gaume ; et le Dictionnaire des Antiquités chrétiennes, par M. l’abbé Martigny.