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De l’avis du plus grand nombre des exégètes modernes, appuyés sur les meilleures traditions, il faut identifier l’évangéliste saint Marc avec le personnage cité plusieurs fois dans les Actes des Apôtres sous les noms de Jean, de Marc et de Jean-Marc. Peut-être originaire de Cyrène, dans la Pentapole lybienne, il était, par sa mère Marie, neveu de saint Barnabé.

Huit jours après sa naissance, lorsqu’il fut circoncis, on lui donna le nom de Jean ; plus tard, selon un usage assez répandu alors, il prit le nom grec de Marc, sous lequel on le désigna ordinairement. Bien qu’habitant Jérusalem au temps de Notre-Seigneur, il n’aurait, selon Papias, ni entendu ni vu le divin Maître — ce qui peut paraître étrange. Pourtant on peut admettre qu’il est le jeune homme qui, au jardin des Oliviers, logeant dans les environs et attiré par le bruit, assista, comme il le raconte lui-même (Marc. 14.51), à l’arrestation du Sauveur. Du moins il était, ainsi que sa mère, en rapports d’amitié étroite avec saint Pierre. Après la Résurrection, celui-ci semble l’avoir converti et baptisé : c’est pourquoi il l’appelle son fils (I Petr. 5.13). Et lorsque l’ange l’eut miraculeusement tiré de la prison où l’avait jeté Hérode, c’est chez la mère de Jean-Marc qu’’il se rendit tout d’abord.

Le jeune homme, dit M. Fouard, était « personnel par nature, peu fait pour obéir, de préférence s’attachant à des hommes bons plutôt qu’énergiques », craintif peut-être, bien que généreux, et très attaché, par patriotisme et sans doute aussi par esprit religieux, aux pratiques et à l’exclusivisme juifs.

Il est assez difficile d’établir quelque ordre chronologique dans les traditions qui nous parlent de saint Marc. Nous savons du moins certainement que, à Antioche, vers l’an 42 ou 44, entraîné sans doute par son oncle Barnabé, il suivit saint Paul dans la première mission que, sur l’ordre du Saint-Esprit, l’Apôtre entreprenait chez les Gentils. C’était zèle de néophyte, sincère bien que primesautier peut-être. Car lorsque, Chypre évangélisée, les prédicateurs de la foi passèrent en Pamphylie, Jean-Marc s’arrêta et ne voulut pas aller plus loin que Perga. Découragement ? crainte des difficultés qui attendaient les hardis pionniers ? dissentiment religieux sur l’évangélisation des païens ? On ne sait. Mais, laissant là Paul et Barnabé, il revint à Jérusalem.

Il ne tarda pas sans doute à-regretter ce qu’il venait de faire. En lui la grâce combattait la nature et déjà ne lui laissait pas de repos, en attendant qu’elle devint la maîtresse et la reine.

C’est pourquoi quelques années plus tard, en 52, il essaya de se faire recevoir au nombre des compagnons que Paul rassemblait pour une nouvelle expédition. Barnabé se chargea de plaider sa cause ; mais Paul fut inexorable : le souvenir de la première défection lui était resté au cœur ; il avait jugé que Marc n’était pas capable de si hauts projets ; rien, pas même la décision de Barnabé de ne pas se séparer de son neveu, ne put le fléchir. Il partit avec Silas ; Marc accompagna son oncle dans l’île de Chypre.

La leçon avait été dure ; elle fut profitable : Marc avait un grand cœur en effet. Il le montra dorénavant avec plus de persévérance. Et de longues années après, Paul, qui avait constaté ses ‘vertus, sa constance, son courage, revint sur le premier jugement qu’il avait porté sur lui. Il rendit sa confiance et son affection, toujours si chaude, à son ancien compagnon ; dans ses derniers jours, il l’appelait à Rome et recommandait à son cher Timothée de ne pas venir sans amener avec lui Marc, qui lui était utile pour son ministère (II Tim. 4.11).

Marc resta peu de temps en Chypre ; bientôt c’est avec saint Pierre qu’on le trouve, et dorénavant il sera son homme. On ne sait dans quelle occasion ni à quelle date il se donna ainsi au chef des apôtres. Il semble bien qu’ils étaient ensemble à Rome en 53 ou 54. Il est signalé par Papias comme l’interprète de Pierre, soit qu’il lui ait servi d’intermédiaire auprès des Grecs, si celui-ci n’était pas assez familier avec leur langue, ou de secrétaire pour rédiger ses lettres, soit plutôt qu’’il ait interprété son enseignement dans son Évangile.

Car c’est alors fort probablement, et pour répandre la prédication de Pierre, qu’il écrivit son œuvre inspirée. Il le fit sur la demande des fidèles et notamment de ceux qui appartenaient à la maison de César, c’est-à-dire de Néron. Son livre est donc un résumé fidèle des paroles tombées des lèvres de l’apôtre : « Il n’eut de souci, affirme un de ses contemporains (peut-être saint Jean lui-même) allégué par Papias, que de ne rien omettre de ce qu’il avait entendu et n’y rien laisser passer de faux. » Du reste il ne s’est pas astreint à un ordre exactement chronologique que Pierre évidemment ne suivait pas lui-même ; mais son récit, en reproduisant exactement ceux de son maître, en a gardé le charme pittoresque et les détails soigneusement observés, qui dénotent le témoin ‘oculaire et donnent au second évangile son caractère original. Bien que Pierre dût y retrouver sa parole même, Clément d’Alexandrie nous apprend que, ayant connu l’œuvre de Marc, « il ne la défendit ni ne l’encouragea. » Ce qui aurait lieu de surprendre, si on ne se rappelait que Pierre, ayant reçu de Jésus la mission, non pas d’écrire, mais de prêcher, ne devait attacher que peu d’importance à ce qui n’était pas enseignement oral, enseignement plus libre, plus vibrant, plus pénétrant et plus souple que celui du livre.

Une tradition rapporte que Pierre aurait envoyé son disciple fonder une église à Aquilée ; mais elle est peu établie et ne saurait être retenue. Il n’en est pas de même de celle qui représente Marc allant, sur l’ordre de Pierre, prêcher la foi d’abord en Cyrénaïque et en Lybie, puis en Égypte, enfin dans la grande et savante ville d’Alexandrie. C’est lui qui aurait été le premier évêque de cette église Alexandrine, si célèbre depuis. Sa prédication eut tant de succès, que non seulement le nombre des chrétiens s’éleva merveilleusement, mais encore beaucoup d’entre eux, s’attachant à reproduire les exemples de leur saint apôtre, s’élevèrent à une haute vertu et, sous le nom de Thérapeutes — c’est du moins l’avis d’Eusèbe, de saint Jérôme, de Sozomène — inaugurèrent en quelque sorte la vie religieuse.

Ces heureux résultats excitèrent contre Marc la haine des païens ; il dut s’éloigner, — probablement en 63, date à laquelle commence le pontificat d’Anianus, son successeur. Sans doute il vint à Rome, puisque saint Paul, écrivant aux Colossiens vers l’an 63, fait allusion à sa présence. On croit même qu’il se trouvait encore dans cette ville en 67, lors du martyre des deux saints apôtres Pierre et Paul.

Alors il retourna à Alexandrie. Et tout de suite la colère des païens se réveilla contre lui. Il leur échappa quelque temps ; mais, le 24 avril 68, il tomba entre leurs mains. C’était un dimanche, pendant qu’’il célébrait la sainte messe. Ils l’arrachèrent de l’autel, lui passèrent une corde au cou et le traînèrent ainsi sur les pierres et les rochers, jusqu’au bord de la mer, en un lieu nommé Bucoles ; lui, bénissait Dieu et le remerciait. Ensuite, tout brisé et couvert de sang, ils le jetèrent en prison. La nuit, raconte-t-on, Dieu récompensa son martyr et l’encouragea, en lui envoyant un ange d’abord, puis son divin Fils lui-même. Jésus lui apparut tel qu’il était avec ses disciples avant sa passion et lui dit : « La paix soit avec toi, Marc, mon évangéliste ! »

Le lendemain 25 avril, les païens revinrent à la prison et, avec une nouvelle rage, se reprirent à traîner le courageux vieillard à travers les rochers, jusqu’à ce que, enfin, dans cet horrible supplice, il rendît à Dieu son âme invincible et jusqu’au bout patiente. Ses bourreaux tentèrent de brûler son corps ; mais un orage violent survint qui les dispersa. Le soir, les chrétiens recueillirent les vénérables reliques et, les portant au lieu où ils avaient coutume de se rassembler, les ensevelirent dans un tombeau creusé au cœur d’un roc, du côté de l’Orient.

Le corps de saint Marc était conservé encore au VIIIè siècle à Alexandrie, dans une basilique construite en son honneur.
Mais on dit que, en 815 ou 828, des marchands vénitiens l’enlevèrent secrètement avec la complicité des gardiens de la basilique, et le transportèrent dans leur patrie. C’est à cette époque que Venise adopta pour patron le saint évangéliste.

Ouvrage : Saints et Saintes de Dieu, Imprimatur 30 Décembre 1924

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