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Cherchez et vous trouverez,
Frappez et l’on vous ouvrira.
S. Luc. C. XI

Il est peu de saints que la dévotion populaire entoure d’autant d’hommages ; il en est peu dont on voudrait autant connaître la vie jusqu’en ses moindres moments. Malheureusement les biographes de saint Antoine, qui se sont répandus, — avec une critique peu sagace souvent, — sur ses miracles, se sont montrés moins préoccupés de nous laisser le souvenir de ses actes. On ignore beaucoup de lui ; ce qu’on sait, on le sait mal.

II est né à Lisbonne en 1195. Quel jour ? On a dit en la fête de l’Assomption, ce n’est pas sûr. Ses parents, « nobles et puissants, » descendaient-ils, l’un de la famille à laquelle appartint Godefroy de Bouillon, l’autre de celle des rois des Asturies ? On l’a affirmé, sans preuves péremptoires. Ils lui donnèrent au baptême le nom de Fernando. Ils l’envoyèrent à l’école de l’église cathédrale, près de laquelle était leur demeure. L’enfant y acquit l’instruction assez élémentaire donnée à cette époque ; mais il y fut surtout formé à la piété et à la charité ; il y garda et apprit à estimer plus que tout son innocence. Si bien qu’à peine âgé de quinze ans, effrayé des périls qu’elle courait dans
le monde et, semble-t-il, des tentations qui commençaient à l’assiéger, il demanda et obtint de ses parents l’autorisation d’entrer chez les Chanoines réguliers de Latran. C’était des clercs voués au service des églises et suivant la Règle de saint Augustin, qui leur avait été donnée par le pape Innocent II. Ils avaient dans la banlieue de Lisbonne un monastère sous le titre de Saint-Vincent de Fora, c’est-à-dire hors-les-murs. Fernando s’y présenta et y fut reçu d’abord. Mais l’année suivante, importuné par les visites fréquentes de ses amis et désireux d’une plus parfaite solitude, il passa au monastère de Sainte-Croix de Coïmbre, la maison la plus nombreuse et la plus célèbre que les Chanoines possédassent en Portugal. Il y demeura neuf ans, livré à l’étude ; c’est là qu’il acquit le fond de science, alimenté par la Bible surtout et aussi par les Pères, auquel il puisa tout le reste de sa vie. Et c’est là aussi qu’il fut élevé au sacerdoce.

La vertu principale de Fernando semble bien avoir été l’énergie constante avec laquelle il poursuivit son dessein de perfection. Elle fut inlassable, toujours tendue et toujours victorieuse. Et d’abord il allait avoir l’occasion de l’employer à un choix qui
fixerait sa vie.

En 1216, quelques religieux de l’Ordre nouveau que venait de fonder en Italie saint François d’Assise, passèrent en Espagne et se fixèrent non loin de Coïmbre, dans le petit monastère de Saint-Antoine d’Olivarès. Leurs quêtes les amenaient souvent à Sainte-Croix et les firent connaître à Fernando, qui estima leur pauvreté et leur simplicité fervente. Peu d’années encore, et cinq d’entre eux, — qu’il a pu voir et secourir, si à ce moment,- comme on le croit, il exerçait les fonctions d’hôtelier, — poussaient jusqu’au Maroc et, le 16 janvier 1220, y cueillaient la palme du martyre. Leurs reliques furent, par la reine Urracca, confiées au monastère de Sainte-Croix : en les vénérant, l’âme généreuse du jeune prêtre s’exalta, s’enflamma du désir de donner, lui aussi, son sang pour la foi. Son parti fut pris ; il arracha, on peut le dire, au prieur et aux religieux ses frères l’autorisation nécessaire, et l’été venu, ayant la promesse d’être envoyé en Afrique, il entrait chez les Franciscains d’Olivarès. Là il prit le nom d’Antoine pour une raison mal connue ; car l’usage n’était pas encore chez les fils de saint François de
changer leur nom en religion.

Dès le mois de décembre 1220, il partait en effet pour le Maroc, appelant de tous ses vœux le martyre. Mais l’heure était passée de la persécution : l’épreuve fut pour Antoine une fièvre qui dura tout l’hiver et le força de quitter l’Afrique.

Au lieu de le porter en Portugal, son vaisseau, chassé par la tempête, aborda en Sicile. Les Franciscains y avaient une maison à Messine. On ne sait pas bien ce qu’y fit Tardent religieux. On le retrouve seulement au chapitre général de l’Ordre, le dernier auquel tous les frères furent admis, et qui réunit à Assise, en 1221, trois mille religieux. Antoine, inconnu et perdu dans la foule, vit pour la première fois son bienheureux
Père François : il était là, assis aux pieds du frère Élie, qui présidait, — car le saint avait fait nommer vicaire général, — et inspirant ses décisions.

Comment et pourquoi Antoine, le chapitre fini, fut-il emmené par le frère Gratien, ministre provincial de la Romagne ? Comment et pourquoi se retira-t-il ensuite à l’ermitage de Monte-Paolo, près de Forli ? On ne le sait. Il y mena durant neuf mois une vie humble et si cachée, que, semble-t-il, il ne fut pas connu comme prêtre et passa pour plus capable de laver la vaisselle que de manier la parole. Mais un jour, étant descendu à Forli avec quelques frères qui allaient se faire ordonner en compagnie de plusieurs dominicains, il fut contraint par le
Père ministre provincial de prêcher cette assemblée de religieux. On pensait n’entendre qu’un sermon médiocre : l’éloquence du pauvre frère dédaigné éclata comme un coup de foudre inattendu. La révélation de ce talent fut telle, qu’Antoine, entrant soudain au rang des plus célèbres, fut chargé d’évangéliser la Romagne. Il y combattit avec le plus grand succès les hérétiques cathares et patarins. Est-ce alors, et à Rimini, que, pour convaincre un mécréant, il fit le miracle célèbre qu’on a appelé le miracle de la mule ? Le maître de l’animal refusait de
croire à la Présence réelle. « Si votre mule s’agenouille devant Thostie consacrée, croirez-vous ? demanda le thaumaturge. — Oui. — Eh bien ! donc, soit fait ! Mais si elle ne s’agenouille pas, attribuez-le à mes péchés. » Au jour dit, le Saint se présente, tenant le Corps du Christ. On amène l’animal, qui depuis deux jours était privé de toute nourriture. Non loin d’Antoine, l’hérétique tenait un bassin plein d’avoine. Mais la mule affamée se détourne de l’avoine, avance vers l’hostie et respectueusement fléchit devant elle les deux genoux.

D’autres biographes, — et l’on voit ici, par un exemple qui se répète souvent dans cette vie, la difficulté de fixer la vérité, — prétendent que ce miracle eut Bourges pour théâtre, et d’autres encore Toulouse.

Antoine, en effet, vint bientôt en France. Après avoir quelque temps, — et peut-être le premier, — enseigné pour ses frères la théologie à Bologne, il franchit les Alpes. Sans pouvoir exactement déterminer la chronologie de ses différents séjours, on le voit professer encore à Montpellier, puis à Toulouse, où en même temps il combat fortement contre les Albigeois ; on le voit gardien du couvent du Puy et custode, — c’est-à-dire supérieur d’un groupe de maisons, — à Limoges ; on le voit à Bourges, dans un synode, prendre vivement à partie l’évêque.
Simon de Sully, un digne prélat cependant, et le ramener à la confiance envers l’Ordre de Saint-François ; on le voit à Brives où il fonde un couvent ; à Arles, où il assiste à un chapitre de Frères Mineurs. C’est là que, tandis qu’il prêchait sur le titre de la Croix, un frère eut une apparition : il vit dans les airs, les bras étendus, saint François lui-même. Le vénérable patriarche vivait encore, et donc ce fait eut lieu avant 1226. Il bénit l’assemblée d’un signe de croix et disparut.

Antoine était peut-être à Limoges, — d’aucuns l’ont dit mais d’autres ont nommé Châteauneuf-la-Forêt, et d’autres Camposampiero ou Padouë, — lorsqu’il eut la douce vision popularisée par ses images. Tandis qu’il vaquait à l’oraison, dans une chambre retirée qui lui avait été offerte, son hôte eut la curiosité de le surveiller ; il l’aperçut tenant en ses bras un enfant d’une beauté toute céleste et le baisant à plusieurs
reprises; il comprit que c’était l’Enfant Jésus lui-même ; il en fut émerveillé. Le Saint, prévenu divinement de cette indiscrétion, lui défendit sévèrement de jamais parler de ce fait tant que lui, Antoine, vivrait.

Partout où il allait, il prêchait. On. a gardé de son éloquence un souvenir admiratif, assurément très justifié, bien que les sermons qui nous sont parvenus, — de simples canevas, c’est évident, — ne semblent pas l’expliquer. L’ampleur des développements, la puissance d’émotion, sans parler des qualités extérieures de l’orateur, ne sauraient, il est vrai, s’y montrer. On voit du moins qu’il s’éloignait beaucoup du genre oratoire de son père saint François : au lieu d’une chaleureuse, poétique, mais simple improvisation, dont la charité, une charité débordante, faisait tous les frais, on a ici un ordre, une méthode, un emploi habile de l’Écriture, de l’exégèse patristique, un recours à la nature, à ses beautés, à ses lois, un goût de l’allégorie et des étymologies spécieuses qui témoignent d’une recherche d’art et d’une science, nécessairement courte par bien des endroits, mais réelle et avisée.

C’est à Padoue, probablement, qu’Antoine écrivit les sermons qu’il nous a laissés. Car il était venu en cette ville, ayant quitté la France à la fin de 1226, peu après la mort de saint François ; peut-être, — mais en quelles circonstances ? en quel ordre ? — évangélisa-t-il d’abord plusieurs villes d’Italie. En tout cas, il était à Padoue en 1229, et ne dut guère en sortir ; la mainmise qu’il exerça sur les Padouans, leur dévouement, leur dévotion persistante pour le Saint, prouvent qu’il fit parmi eux un séjour suivi qui ne peut être moins long que les deux années qui lui restaient à vivre. Cependant il assista encore au chapitre tenu à Assise en l’été de 1230 ; là il obtint d’être libéré de toute charge de l’Ordre et reçut permission de prêcher partout où il, voudrait.

Il en profita pour retourner à Padoue : sa parole y était toute-puissante ; elle y opérait clans les âmes des prodiges de conversion, bien supérieurs aux miracles qui, dit-on, sortaient de ses mains, abondants comme les fleurs d’une journée de printemps. Sa sainteté, d’abord certainement, mais son éloquence aussi et sa grande charité pour tous les maux lui assuraient cette puissance. Elle s’employait et réussissait à faire la paix entre les ennemis, à remettre les captifs en liberté, à ramener les exilés, à réprimer la violence et l’usure, à rendre leur pureté aux mœurs. Pour entendre Antoine, les églises étaient trop petites, il fallait, — comme à Limoges, où le Creux des Arènes était rempli par la foule, — de vastes esplanades, de larges prairies, et l’on y compta, parfois, dit-on, trente mille auditeurs. Les marchands fermaient leurs boutiques et les nobles dames se levaient avant le jour, pour s’assurer une place au sermon. Évêques, prêtres, chevaliers, paysans, femmes se pressaient au pied de la chaire.

Cependant l’été de 1231 était venu. Antoine interrompit sa prédication dans l’intérêt de la moisson ; il résolut de donner ce temps à la retraite, et la chercha au couvent de Camposampiero. Non loin de là, dans une forêt, on lui construisit un petit ermitage sous les branches d’un énorme noyer ; il y passait ses jours dans la prière, mais descendait pour le dîner, qu’il prenait avec ses frères. Or le 13 juin, il s’était mis à table, lors qu’il se sentit défaillir. Il comprit que la mort venait et, pour l’accueillir, demanda d’être transporté à Padoue au couvent de Sainte-Marie. Il se trouva si faible en entrant dans la ville, qu’on s’arrêta à l’Arcella, où les Frères Mineurs avaient une petite maison. La maladie faisant de rapides progrès, il montra d’abord une certaine anxiété ; mais bientôt Dieu lui rendit la paix. Il se confessa et puis se mit à chanter : Ô gloriosa Domina

Quand il eut terminé l’hymne, il porta les yeux au ciel. « Que regardez-vous ? lui dit un frère. — Je vois mon Seigneur, » répondit-il. On lui donna l’extrême-onction ; il chanta les psaumes de la Pénitence avec les assistants. Une demi-heure après qu’ils furent achevés, il expira, âgé seulement de trente-six ans.

Contraint pour ainsi dire par le sentiment unanime, le pape Grégoire IX le canonisa l’année suivante.

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