Extraits : Pensées sur les plus importantes vérités de la religion, et sur les principaux devoirs du Christianisme
De Mr Humbert, prêtre-missionnaire – 1850

Chapitre III

ll faut travailler à son salut avec soin et avec de grands soins

I. Puisqu’il s’agit de tout pour l’éternité dans l’affaire du salut, pourquoi y travaille-t-on avec si peu de soin ? Le ciel à gagner ou à perdre mérite-t-il moins d’attention que les choses de la terre ? Ne seriez-vous pas un insensé si, ayant un procès où il s’agit de votre fortune et de votre vie, vous ne pensiez qu’à vous divertir à la veille de le perdre ? Vous êtes bien plus insensé si vous négligez votre salut, puisqu’il s’y agit de tout gagner ou de tout perdre pour toujours.

Que l’aveuglement des hommes est déplorable ! La plupart trouvent du temps pour des occupations et des recherches infructueuses, et ils n’en trouvent point pour vivre en chrétiens et pour se sauver, dit saint Paulin : Vacat tibi ut philosophus sis , non vacat ut chrisllanus sis. lls ont soin que leurs maisons soient rétablies, leurs terres cultivées, leurs revenus assurés.

Que d’application pour conserver leurs fonds, leur santé, leur beauté, leurs vêtements ! mais ont-ils la même ardeur pour ce qui regarde le salut de leur âme ?
Quand ce serait l’âme de leur ennemi ou l’âme d’une bête, la traiteraient-ils plus mal ? On dirait qu’ils n’ont une âme que pour la perdre. Hélas ! à quoi aboutissent nos travaux et tout ce que nous faisons au monde, si nous n’y faisons ce que nous devons uniquement faire ?

II. Le salut n’est pas une affaire qui réussisse par hasard ; il demande de grands soins, il demande même tous nos soins. C’est pour cela que Jésus-Christ a si souvent répété ces paroles : Faites vos efforts pour entrer par la porte étroite qui conduit à la vie. Peut-on, en effet, prendre trop de précautions et de soins pour ne pas risquer la perte d’une âme immortelle ? Or, quelles précautions devriez-vous prendre ?

Apprenez-le du Fils de Dieu. Voyez les supplices et la mort qu’il a soufferts pour sauver votre âme. Apprenez-le des martyrs qui ont mieux aimé souffrir les tourments et les tortures que de perdre la leur en perdant la foi ; apprenez-le des saints pénitens qui ont crucifié leur chair, qui ont vécu dans le détachement, pour ne s’occuper que du soin de leur âme ; apprenez-le de tant de personnes qui ont fait à Dieu les plus grands sacrifices, qui ont résisté aux puissances mêmes. Tel fut un grand pape qui, refusant à un roi une chose qu’il ne pouvait accorder sans préjudicier à son âme, lui dit ces mémorables paroles : Si j’avais deux âmes, j’en pourrais risquer une pour vous satisfaire; mais je n’en ai qu’une, et rien au monde ne peut m’engager à risquer de la perdre. Apprenez du démon même le soin que vous devez avoir de votre âme.
N’est-il pas étonnant qu’il prenne plus de précautions pour la perdre que nous n’en prenons pour la sauver ?
Quelle fureur, dit Salvien, de n’estimer pas votre âme digne de vos soins , pendant que le démon la met à un si haut prix qu’il fait tous ses efforts pour l’avoir !
Quelle honte pour vous, puisqu’en négligeant le soin de votre âme, vous l’estimez beaucoup moins que le démon ne l’estime

RÉSOLUTIONS

Trois ennemis peuvent m’empêcher de travailler à mon salut avec soin : le monde, le démon, et mes inclinations mauvaises.

  1. Je vaincrai le monde, en ne me produisant plus désormais dans ses divertissements dangereux ; n’ayant même de rapports avec lui que ceux que la nécessité, l’utilité ou la bienséance exigeront, et toujours avec de sérieuses précautions.
  2. Je combattrai le démon par la confiance en Dieu, l’appelant à mon secours, aussitôt que je m’apercevrai que je suis tenté. Je ferai sans cesse la guerre aux mauvais penchants qui dominent en moi : si c’est l’orgueil, je l’abattrai par l’humilité ; si c’est l’attachement aux biens terrestres, je ferai l’aumône autant que mes facultés me le permettront, rejetant les vains désirs de fortune et d’agrandissement ; si c’est l’amour du plaisir, j’y opposerai une mortification continuelle, qui s’étendra sur ma nourriture, mes sens, ma langue, mes pensées, retranchant avec un soin extrême tout ce qui pourrait enflammer une inclination si dangereuse.
Ô mon Dieu ! je vous confie ces résolutions , rappelez-les souvent à ma mémoire, et faites que j’y sois fidèle le reste de mes jours.

CHAPITRE IV

Il faut travailler à son salut sans relâche

Quoique Dieu commence notre salut, et qu’il l’achève par sa grâce, néanmoins ce que nous devons faire de notre côté pour être sauvés est tellement notre ouvrage, que personne ne peut le faire pour nous, personne ne peut le faire sans nous, personne ne peut le faire que nous. Le salut en ce sens est notre affaire personnelle ; il faut donc y travailler nous-mêmes : c’est l’ouvrage de toute la vie. Ce n’est pas assez d’y travailler une fois, il faut y travailler toujours, et , autant que la faiblesse humaine le permet, y travailler sans relâche.

Donner quelques moments à son salut, et donner tout le reste aux plaisirs, aux affaires du monde, s’occuper à tirer sa famille de la poussière, et n’agir que faiblement pour se tirer soi-même de l’enfer, c’est s’abuser. Quand toutes les autres affaires ne réussiraient pas, ce ne serait rien en comparaison de la perte du salut. Les autres affaires peuvent se réparer, mais, quand on a manqué son salut, c’est pour toujours. Or, pour manquer son salut, il ne faut qu’un moment.

Veillez sur vous en tout temps, dit le Sauveur : si nous dormons sur l’affaire de notre salut, tout est à craindre. Jonas dormait lorsqu’on délibérait de le jeter dans la mer. Samson dormait lorsqu’il fut surpris par les Philistins. Les hommes dormaient lorsque l’ennemi sema la zizanie dans leur champ. Ces figures nous apprennent qu’il ne faut rien négliger, puisque tous les momens peuvent décider de notre salut.
Quand même vous auriez fait de grands progrès dans la sainteté, ne vous relâchez point. Que celui qui croit être ferme, dit saint Paul, prenne garde de tomber. Saint Pierre tomba pour s’être exposé.

Un regard fit pécher David. La femme de Loth pour un moment de curiosité fut punie de Dieu. Apprenons par ces exemples à ménager tous les moments. On ne peut être trop sur ses gardes, quand on court risque d’être perdu pour jamais, dit saint Grégoire : Nulla satis magna securitas, ubi periclitatur œternitas.

Vivez donc de telle sorte, que le soin de votre salut l’emporte sur toutes les autres choses : n’échappez aucune occasion de l’assurer par la pratique des vertus ; que dans tout ce que vous faites, dans tout ce que vous souffrez, dans tout ce que vous projetez, une intention droite et la vue de plaire à Dieu déterminent vos actions et vos desseins, afin qu’à votre mort vous alliez recueillir dans l’éternité le fruit de vos bonnes œuvres.

Après tout, puisque Dieu veut sincèrement votre salut, et qu’il y pense à tout moment, vous seriez bien ingrat et étrangement ennemi de vous-même, de manquer de retour pour Dieu et de charité pour vous, en négligeant la chose que Dieu désire le plus, et qui vous intéresse uniquement.

RÉSOLUTIONS

  1. Je condamnerai souvent ma lâcheté passée, et je me précautionnerai contre ce relâchement, en me rappelant cette pensée : Si je me sauve, tout est gagné pour moi, comme aussi, si je me perds, tout est également perdu pour moi,
  2. Je regarderai comme étant perdu, et comme devant être retranché de ma conduite, tout ce qui ne pourra pas se rapporter à la gloire de Dieu et à mon salut.
Affermissez-moi , ô mon Dieu ! dans la résolution de travailler à mon salut sans relâche.

CHAPITRE V

Il faut travailler à son salut avec crainte

Saint Paul avait bien raison de dire : Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement. 1. Qui ne craindrait pour une affaire de cette conséquence, dans laquelle il est difficile de réussir ? 2. Qui ne tremblerait, en voyant que tant de personnes y ont échoué ?

I. Ce qui doit nous faire craindre, c’est qu’il y a dans la vie une infinité d’écueils et d’occasions capables de nous perdre. Les plus à craindre sont celles dont nous nous défions le moins ; et qui viennent de notre propre faiblesse ; faiblesse qu’il faut combattre toute la vie ; faiblesse si grande, qu’il ne faut qu’une parole d’une personne que nous aimons, un respect humain, une attache aux biens, une amitié qu’on croit innocente, une complaisance ou un regard, pour nous faire tomber et pour nous perdre.

C’est donc s’aveugler que de vivre sans crainte, comme s’il était facile de se sauver. La chute des anges, la chute du premier homme, celle de David et de Salomon, doivent nous faire comprendre combien il est facile de se perdre. Tant de personnes qui, après avoir vécu dans la sainteté, sont tombées sans se relever, doivent nous apprendre ce que nous avons à craindre.
Hélas ! que deviendront les roseaux, si les cèdres sont renversés ? Si le juste sera à peine sauvé, dit l’Ecriture, que sera-ce du pécheur ?

N’est-ce pas cette difficulté du salut et le danger de la damnation qui faisait dire à Job ; le plus saint homme qui fût sur la terre : Je craignais toutes mes actions : Vereber omnia opera mea. N ’est-ce pas ce qui engageait saint Paul à châtier son corps, crainte d’être réprouvé ? Castigo corpus meum. N’est-ce pas ce qui a fait verser tant de larmes et fait pousser des gémissemens continuels à S. Jérôme ? Quotidié lacrymae, quotidié gemitus.

Pourquoi tant de jeunes gens se sont-ils retirés des compagnies du monde ? Pourquoi tant de grands seigneurs ont-ils quitté leurs richesses pour mener une vie pénitente dans des monastères ou dans des déserts ?
Ils vous diront, avec saint Jérôme, que c’est pour ne pas périr dans le monde, que c’est par la crainte de l’enfer, et pour ne pas manquer leur salut : Ob gehennæ metum. Il est vrai qu’on peut se sauver sans pratiquer tout ce que les saints ont fait ; mais il n’est pas moins vrai qu’on ne se sauve pas sans violence, sans combats, sans crainte, et qu’on ne travaille à son salut qu’autant qu’on craint de se perdre.

II. Si les dangers du salut doivent nous faire craindre, le petit nombre de ceux qui réussissent doit nous faire trembler. Le Sauveur étant interrogé, si le nombre de ceux qui se sauvent est petit : Si pauci sunt qui solvantur ? ne fit que cette réponse : Faites vos efforts pour entrer par la porte étroite, parce que beaucoup de personnes chercheront à y entrer, et ne le pourront pas. Et dans le chapitre septième de S. Mathieu, il ajoute avec une espèce d’étonnement : Oh ! que le chemin est étroit qui conduit à la vie ! qu’il y en a peu qui le trouvent ! Quàm angusta porta et arcta via est, quæ ducit ad vitam, et pauci sunt qui inveniunt eam !

L’Évangile remarque que le Sauveur prononça ces paroles avec autorité et en maître : Docens eos, sieut potestatem habens. Il parlait à ses disciples, il parlait à tous, par conséquent aux chrétiens, aux enfants de son Église. Il la compare, cette Eglise, à un champ rempli de paille et de grain. Il dit que la paille sera séparée et jetée dans un feu qui ne s’éteindra jamais, et le bon grain sera placé dans le grenier du Père céleste. Or, il y a plus de paille que de bon grain. Le nombre des réprouvés sera donc, même parmi les chrétiens, plus grand que celui des prédestinés.

Peut-on dire, en effet, que le plus grand nombre des chrétiens suit la route du ciel ? L’Évangile ne dit-il pas que, pour entrer dans le royaume des cieux, il faut se faire violence, aimer le prochain, même ses ennemis, comme soi-même ; être humble comme des enfants ; qu’il ne faut pas se conformer au siècle ; qu’il faut faire pénitence et persévérer jusqu’à la fin ; que ceux que Dieu a prédestinés sont conformes à l’image de son fils ; que ceux qui lui appartiennent ont crucifié leur chair avec ses passions ; que ceux qui ne portent pas leur croix ne sont pas dignes de lui ; qu’il faut détacher son cœur des biens du monde, etc. ? Plusieurs bons chrétiens, et même plus qu’on ne pense, vivent de la sorte ; mais il est clair qu’ils ne font pas le plus grand nombre.

III. Puisque la multitude des réprouvés est si grande , pourquoi ne craignez-vous pas d’être de ce nombre ?
Et comment peut-il vous échapper une parole, une action qui ne soient pesées au poids du sanctuaire ?
Aussitôt que les apôtres eurent ouï cette parole du Sauveur, qu’un d’entre eux devait le trahir, ils furent tous saisis de crainte. Ah ! Seigneur, disaient-ils, ne suis-je point ce malheureux ? Numquid ego sum, Domine ? Dites la même chose de vous-même, en voyant le grand nombre de ceux qui se perdent.

Si, en marchant sur le bord d’un précipice, vous êtiez assuré qu’un de la compagnie dût y périr, ne craindriez-vous pas ce malheur ? Avec quelle précaution ne marcheriez-vous pas ? Prenez les mêmes précautions pour votre salut, puisque la perte du salut est un si grand malheur, que, quand de tous les hommes qui sont sur la terre, il n’y en aurait qu’un qui dût être réprouvé, vous devriez craindre d’être ce misérable.
Tout homme qui ne craint pas ce danger, est déjà perdu ou sur le point de l’être.

Puisque le salut est si difficile et le nombre des réprouvés si grand, qui pourra donc, direz-vous, être sauvé ? Et quis poterit salvus fieri ? Rien n’est impossible à Dieu ; avec sa grâce vous pouvez tout.
Quelque grand que soit le nombre de ceux qui périssent, vous pouvez être un prédestiné si vous le voulez.
Le salut n’est pas plus difficile pour vous que pour tant d’autres qui se sauvent et qui ont plus d’obstacles que vous.

Si vous craignez efficacement la damnation, votre salut est commencé ; si vous persévérez dans cette crainte, votre prédestination est comme assurée : Salus erit timentibus nomen tuum. (Mich. 6). Mais au contraire, moins vous craignez, plus il y a à craindre pour vous. On se perd parce qu’on ne craint pas sa perte.

Voulez-vous vous sauver ? Ouvrez les yeux sur vos dangers, et craignez, non pas d’une crainte servile et naturelle, mais d’une crainte salutaire, qui vous fasse éviter le péché, qui vous porte à Dieu, qui vous fasse craindre de l’offenser et de le perdre. Cette crainte ranimera votre confiance ; et plus vous aurez craint de la sorte pendant la vie, plus vous serez assuré de recevoir miséricorde à la mort : In timore Domini esto totâ die, quia habebis spem in novissimo. (Prov. 23).

RÉSOLUTIONS

  1. J’éviterai avec tout le soin possible tout ce qui pourrait être pour moi une occasion prochaine de péché ;
  2. Et je combattrai mon penchant dominant sans relâche.
  3. Mais quoi qu’il arrive , je ne me laisserai jamais abattre par le découragement , recourant à Dieu au milieu des dangers , m’humiliant profondément devant lui après une faute échappée dans ma faiblesse, en me hâtant d’aller laver mes blessures dans le sacrement institué pour réconcilier les fidèles à Dieu.
Ô mon Dieu ! pénétrez-moi d’une crainte salutaire.

Partie 1 – Partie 2Partie 3

Alors toute personne qui fera appel au nom du Seigneur sera sauvée.
Actes 2:21

Panier

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