Il y avait environ quatre mille ans que le monde gémissait sous l’esclavage du péché, lorsque arriva le moment heureux où devait naître Celui qui s’était chargé des péchés du genre humain en se revêtant de notre chair pour nous réconcilier avec Dieu son Père et nous mériter la grâce de la sanctification.
Marie, qui l’avait conçu selon la parole de l’Ange, et Joseph, que Dieu lui avait donné pour époux afin qu’il fût le témoin et le gardien de sa chasteté, faisaient leur demeure ordinaire à Nazareth, ville de Galilée. Cependant il y avait plus de sept cents ans que les prophètes avaient prédit que le Messie naîtrait à Bethléem, petite ville de la tribu de Juda, éloignée de Nazareth d’environ quinze lieues de France. Pour l’accomplissement de sa volonté, Dieu se servit de l’empereur César-Auguste, Ce prince, voulant connaître les forces de l’empire romain, ordonna qu’on fit le dénombrement de tous ses sujets. Les Juifs, quoique gouvernés par un roi particulier, ne laissaient pas d’être sous la domination des Romains, et par conséquent obligés de se conformer à cet ordre. Joseph et Marie n’eurent pas plutôt connu les ordres du prince, qu’ils se mirent en devoir d’y satisfaire. Comme ils étaient tous deux de la famille de David, et que Bethléem était la patrie de ce prince, il fallait qu’ils allassent en cette ville pour s’y faire inscrire. Ils entreprirent ce voyage à pied , à ce qu’il paraît, sans alléguer, pour s’en dispenser, ni la longueur du chemin, ni la grossesse de la sainte Vierge, ni aucun prétexte, que l’esprit d’indépendance fournit aisément aux hommes. Quand ils furent arrivés à Bethléem, ils ne purent trouver de place dans les hôtelleries. On rebuta celle qui allait enfanter le Sauveur des hommes. Mais Jésus-Christ, qui s’était incarné pour nous détromper de l’amour du monde et pour enseigner particulièrement l’humilité, ne voulut point user en sa faveur du pouvoir qu’il a sur les cœurs comme sur toutes les créatures. Il voulut naître dans la pauvreté ; c’est pourquoi, laissant les lieux commodes aux riches, qui s’en étaient de emparés, il conduisit ses parents dans une étable : ce fut dans ce lieu, devenu si vénérable à la foi des chrétiens, que Marie qui par l’opération divine avait conçu dans son sein virginal le Verbe éternel incarné, le mit au monde sans cesser d’être vierge. Aussitôt elle enveloppa de langes le Créateur de toutes choses, qui se faisait homme pour les hommes, et le coucha dans une crèche.
Cependant, comme ce divin Sauveur ne s’était fait homme que pour se manifester aux hommes, il révéla sa naissance humble pauvre et obscure, par un miracle suffisant pour le faire connaître de ceux qui le cherchaient de tout leur cœur. Un ange descendit du ciel pour annoncer sa naissance non aux rois et aux grands, comme on fait quand il naît un enfant aux princes de la terre, mais à des bergers qui, par leur vie simple et laborieuse, et semblable à celle de ces anciens patriarches dont le Seigneur semble prendre plaisir à se dire le Dieu, étaient dignes d’adorer les premiers le Sauveur qui venait de naître.
Ces bergers passaient la nuit dans les champs, aux environs de Bethléem , à veiller sur leurs troupeaux, à l’ordinaire, lorsque l’ange du Seigneur se présenta à eux, et qu’une lumière éclatante les environna. Ils furent surpris et saisis de frayeur; mais l’ange les rassura en leur disant : « Ne craignez point ; car je vous apporte une bonne nouvelle qui doit causer une grande joie à tout le peuple : c’est qu’il vous est né aujourd’hui dans la ville de David ; un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Voici la marque qui vous le fera connaître : Vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche. » Au même moment il se joignit à cet ange un grand nombre d’autres qui louaient Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux : hommes de bonne volonté. » Après que les anges eurent quitté les bergers ravis d’allégresse, pour remonter au ciel, ceux-ci se dirent l’un à l’autre : « Allons jusqu’à Bethléem ! Voyons ce qui nous a été annoncé, et ce que le Seigneur a daigné nous faire connaître. » Et s’étant hâtés d’y aller, ils trouvèrent Marie et Joseph, et l’enfant couché dans la crèche. Dès qu’ils eurent vu et adoré ce divin enfant, ils publièrent ce que les anges leur en avaient dit, et jetèrent dans l’admiration tous ceux qui les entendirent. Ils s’en retournèrent ensuite à leurs occupations, pleins de reconnaissance envers Dieu, qu’ils louaient de toutes les choses qu’ils avaient entendues, et qu’ils avaient trouvées telles qu’on leur avait dit. L’Évangile ne nous rapporte aucune parole de la sainte Vierge et de Saint Joseph sur cet ineffable mystère ; il se borne à nous apprendre que la sainte Vierge, attentive à ce qui se passait, conservait tout dans Son Cœur. À limitation de celle sainte Mère de Dieu, tenons-nous en esprit devant la crèche, et recevons-y les instructions qu’un Dieu fait homme veut aujourd’hui nous y donner. Celui qui venait détromper les hommes des fausses idées, qu’ils ont des biens et des maux de celte vie, choisit, pour recevoir le jour, des parents pauvres, une ville peu considérable, un peu incommode, afin de nous inspirer du mépris pour tout ce qui fait l’objet des soins, des désirs et des peines des gens du monde.
Il devait dire un jour : Heureux les pauvres ; et il naît pauvre pour confondre notre avarice. Il souffre les incommodités de la pauvreté afin de confondre notre mollesse, et il en porte les humiliations pour confondre notre orgueil.
Pratiques
- Obéissons aux princes et à tons ceux qui sont au-dessus de nous, quelque durs et rigoureux que leurs ordres puissent être. Comment s’en dispenser après l’exemple de Jésus Christ ?
- Choisissons toujours ce qui semble le plus bas à et le moins honorable. Jésus-Christ le fait en naissant enfant dans une étable.
- Respectons les pauvres, puisque c’est à eux que la naissance de Jésus-Christ est annoncée.
Prière
C’est parce que vous nous aimez, Seigneur, que vous vous abaissez aujourd’hui d’une manière si prodigieuse. Ne permettez pas que nous aimions désormais autre chose que l’abaissement et la pauvreté, afin que nous vous témoignions par là notre amour et notre reconnaissance.