Extraits : Pensées sur les plus importantes vérités de la religion, et sur les principaux devoirs du Christianisme
De Mr Humbert, prêtre-missionnaire – 1850
Chapitre I
De la fin de l’homme
I. Pourquoi suis-je au monde ? Ce n’est pas pour être riche et pour être honoré. Les honneurs et les biens de la terre ne sont pas dignes de moi, et ne peuvent me rendre content ; je ne suis pas pour jouir des plaisirs des sens. Si cela était, l’homme dans sa fin n’aurait rien au-dessus des animaux. Une créature raisonnable est créée pour une fin plus noble et plus digne de Dieu.
Je suis en ce monde pour y glorifier mon Créateur, et pour me mettre en état de le glorifier et de le posséder en l’autre vie, voilà la fin que Dieu m’a destinée, et pour laquelle il m’a donné l’être, si je travaille pour une autre fin, je ne fais rien, et je ne mérite pas de vivre. Si le feu ne donnait aucune chaleur, il serait comme s’il n’était pas, parce qu’il serait inutile à la fin pour laquelle Dieu l’a créé. De même si l’homme ne s’appliquait pas à servir Dieu et à le glorifier, il serait sur la terre comme s’il n’était point ; dès qu’il ne remplit pas la fin pour laquelle Dieu l’a mis au monde , il vaudrait mieux pour lui n’avoir jamais été ; il devrait rentrer dans le néant aussitôt qu’il ne tend pas à la fin pour laquelle Dieu l’a formé.
Toutes les créatures visibles sont pour le service de l’homme, voilà leur fin : l’homme doit donc être et agir pour Dieu. Le Créateur ne pouvait lui destiner une fin plus noble, et il ne pouvait lui en destiner une moindre. L’homme est très-honoré d’être destiné à une fin si glorieuse ; mais il est bien malheureux de ne pas tendre à cette fin dans ses opérations. Un arbre planté dans une terre fertile pour donner des fruits à son maître, ne mérite que le feu quand il ne produit ni fruits ni feuilles. Quel châtiment ne mérite donc pas une créature qui, étant placée sur la terre par la main du Créateur pour l’honorer, ne fait rien pour sa gloire !
II. Notre premier devoir est donc de glorifier Dieu sur la terre, en attendant que nous le glorifiions dans le ciel. Si nous lui demandons nos besoins et les choses temporelles, nous ne devons les demander qu’en vue de sa gloire. Vous n’êtes point ici pour les biens de la terre, disait sainte Thérèse à ses religieuses, ni pour demander le succès des choses de ce monde, mais uniquement pour glorifier Dieu.
Cherchez donc avant toutes choses, dit Jésus-Christ, le règne de Dieu : Querite ergo primiun regrum Dei, Matth. 6. Un père doit faire régner Dieu dans sa famille, un pasteur dans sa paroisse, un seigneur dans ses terres, un roi dans ses états ; c’est pour cette fin qu’ils ont l’autorité. Les rois vraiment grands et vraiment heureux, dit S. Augustin, sont ceux qui font usage de leur puissance pour soutenir le culte et la gloire de Dieu dans leurs empires. De Civ. Dei, lib, 5, cap. 24.
Ce n’est point l’homme, qui n’est que misère , mais Dieu seul qui doit être glorifié : Soli Deo honor, gloria. Vous n’êtes point à vous, dit saint Augustin ; vous êtes à Dieu, qui vous a fait ce que vous êtes ; il est donc juste que vous viviez uniquement pour sa gloire : Totum le exigit , qui totum te fecit.
Qu’il est consolant et glorieux de vivre pour son Créateur ! Si l’on se fait un honneur de servir les grands du monde, quel honneur de servir Dieu, le plus grand et le meilleur de tous les maîtres ! La moindre action faite pour sa gloire vaut incomparablement plus que tous les exploits des conquérants, et que tout ce qu’il y a de grand dans l’univers. Oh ! que l’homme est ennemi de lui-même, quand il oublie ce qu’il doit à son auteur, puisqu’en oubliant ce qu’il doit à Dieu, il oublie son propre salut et son honneur !
RÉSOLUTIONS
- Puisque Dieu m’a crée pour sa gloire, je me proposerai désormais cette noble fin dans tout le détail de ma conduite.
- En conséquence j’y rapporterai toutes mes actions et mes souffrances, ne manquant pas de les offrir à Dieu, dès le matin tous les jours, et renonçant à tout ce qui pourrait lui déplaire dans mes pensées, mes affections et mes démarches : offrande et renoncement que je renouvellerai de temps en temps pendant la journée, surtout quand j’aurai eu le malheur de les contredire par quelque faute notable.
Ô mon Dieu ! je vous ai bien mal servi jusqu’ici ; pardonnez-moi le passé, je vous en supplie, et faites-moi la grâce de m'attacher à vous comme à mon unique fin.
Chapitre II
Du Salut
I. Tout ce que Dieu a fait dans la création du monde et dans l’incarnation de son Verbe, il l’a fait pour sa gloire et pour le salut de l’homme. Si l’homme se conforme aux desseins de Dieu, s’il observe sa loi, Dieu lui promet un bonheur souverain dans l’éternité. Si l’homme agit contre les desseins du Créateur, il sera privé de ce bonheur, et sera malheureux pour toujours de sorte que, dans la différente destinée des hommes, Dieu trouvera toujours sa gloire et manifestera également ses grandeurs, sa justice, en réprouvant ceux qui lui auront été rebelles ; sa miséricorde, en couronnant d’une gloire immortelle ceux qui lui auront été soumis. Or, glorifier Dieu, en observant sa loi, pour être heureux dans l’éternité et pour éviter d’y être malheureux, c’est ce qu’on appelle travailler à son salut ; d’où il faut conclure que le salut est l’affaire nécessaire, l’affaire importante, l’affaire propre et personnelle, l’affaire unique et essentielle de l’homme.
II. Quelques affaires que vous ayez, vous n’en avez donc point de plus nécessaire que votre salut, puise vous n’êtes au monde que pour vous sauver, tout le reste n’est que vanité. Il n’est pas nécessaire que vous soyez au monde ; mais il est nécessaire pour vous d’être sauvé. Dieu pouvait se dispenser de vous créer ; mais il ne peut vous dispenser de travailler à votre salut.
Le salut de l’homme est l’affaire importante, puisque Dieu y a pensé de toute éternité. C’est une affaire de telle importance, que, pour la faire réussir, Dieu a donné son Fils, et que ce Fils adorable a souffert l’agonie, les supplices et la croix. Oh ! que mon salut est important, puisque, pour me sauver, un Dieu descend sur la terre, se fait victime, sue le sang et souffre la mort !
Le salut est l’affaire propre de l’homme , tout l’avantage ou toute la perte en est pour lui. Si l’homme est sauvé, Dieu n’en est pas plus heureux ; si l’homme est réprouvé, ce malheur est pour lui seul : Dieu n’en est ni moins grand ni moins glorieux.
Le salut est l’unique affaire de l’homme. Si nous faisons notre salut, tout est fait, tout est gagné pour nous ; si nous ne le faisons pas, tout est perdu sans ressource.
Le salut est l’affaire essentielle de l’homme, parce que ce n’est que pour cela qu’il est homme. Travailler à son salut et servir Dieu, voilà tout l’homme, dit le Sage. Hoc est enim omnis homo. Eccle. 12.
Puisque l’homme n’est sur la terre que pour s’appliquer à son salut, c’est un plus grand désordre de voir un homme qui ne pense pas à se sauver, que de voir les astres sans mouvement. L’homme qui ne travaille pas à son salut est un monstre qui doit cesser de vivre, comme le soleil devrait cesser d’être, s’il était sans activité et sans lumière.
Ô hommes ! comprenez une bonne fois la fin pour laquelle vous êtes sur la terre, et les desseins de Dieu sur vous. Si vous ne répondez pas à ses desseins adorables, vous êtes inutiles au monde : comme l’arbre infructueux vous serez coupés et jetés au feu. Que vous reviendra-t-il de tout ce que vous faites sur la terre, et vous ne pensez pas à vous sauver ? Quel avantage tirerez-vous des créatures, si , après avoir oublié votre salut, vous êtes réprouvées de votre Créateur et perdus sans ressource ?
RÉSOLUTIONS
- Je graverai profondément dans mon cœur cette pensée : Il faut que je me sauve , quoi qu’il m’en coûte,
- Et je me dirai à moi-même tous les matins en m’habillant : « Voici une journée que Dieu veut bien m’accorder encore pour le servir et travailler à mon salut : il faut donc que tout tende en moi, aujourd’hui , vers ce grand but. »
Ô mon Dieu ! pénétrez moi de l'importance et de la nécessité de mon salut, et faites-moi la grâce de le désirer, de le vouloir, et d’y travailler efficacement tous les jours de ma vie.
Partie 1 – Partie 2 – Partie 3
Oui, c’est en Dieu que mon âme se confie ; de lui vient mon salut.