Vendredi saint

Vendredi Saint

Christum spinis coronatum,
Lancea et clavis vulneratum.
Venile adoremus.
Off. de l’Eglise

Il n’est point dans le cours de l’année de jour plus auguste et plus vénérable que celui-ci. C’est le grand jour des miséricordes, mais c’est aussi Le jour du repentir, le jour de l’affliction et du deuil. Malheur à qui ne serait point touché et ne prendrait aucune part à la douleur de l’Église.

On ne sonne point les cloches en ce lugubre jour ; les cierges sont éteints, les autels nus, comme la pierre d’un sépulcre ; les pieux fidèles revêtent leurs vêtements de deuil, comme à la mort d’un proche ou d’un ami. De bonne heure les églises se remplissent ; bientôt elles ne sont point assez vastes pour contenir la foule ; mais le recueillement inspiré par une dévotion véritable préside à tout, et impressionne ceux mêmes qui voudraient fermer leurs cœurs à un sentiment si naturel.

La dévotion principale de ce jour est l’adoration de la croix. Les églises qui possèdent un fragment de la vraie croix, ou quelque autre relique de la passion du Sauveur, les exposent à la vénération des fidèles.

Si on excepte Jérusalem et Rome, aucune église de la chrétienté n’est si richement dotée en ce genre que Notre-Dame de Paris ; car outre les nombreuses parcelles de la vraie croix qu’elle possède, elle compte dans son trésor religieux un des clous qui a attaché Jésus à la croix, la couronne d’épines que les soldats placèrent sur sa tête. Ces insignes reliques, connues dans le monde chrétien depuis quatorze siècles, furent léguées par saint Louis à sa chère Sainte Chapelle. Il les acquit de Baudoin II de Constantinople, et dépensa, ce sage économe des deniers de son peuple, plus de deux millions pour son reliquaire de pierres et d’or.

Non seulement le Vendredi-Saint, mais tous les vendredis de carême ces vestiges augustes sont exposés à la dévotion des fidèles, et chaque fois, un prédicateur expose les motifs de vénération qui les recommande à la piété des chrétiens.

Autrefois, dit Collin de Plancy, dans beaucoup de lieux, on représentait en action le terrible drame de la passion du Sauveur.
Ensuite on faisait dans les rues une procession où l’on portait l’image de Notre Seigneur dans une bière découverte, entourée de vierges et de flambeaux. À toutes les stations où la procession s’arrêtait, la foule venait en adorant baiser l’auguste image et lui faire toucher des fleurs que l’on regardait dès lors comme préservatifs.
(1)

(1) Il existe encore dans quelques villes du midi de la France certaines confréries de laïques qui font profession particulière d’honorer les mystères de la passion du Sauveur. On les nomme Pénitents blancs ou pénitents noirs, selon la couleur de la robe qu’ils revêtent dans les cérémonies religieuses. Aux processions solennelles, ils vont, la tête couverte d’un capuchon qui ne laisse voir que les yeux. Le Vendredi-Saint, après l’Office des Ténèbres, on porte dans les rues un Christ de grande dimension, qu’ils accompagnent avec des flambeaux, et en chantant des hymnes.

Ces spectacles des mystères augustes donnés autrefois dans les églises ont été supprimés. La foi de nos pères était ferme. La nôtre est battue par les sarcasmes absurdes auxquels notre faiblesse donne prise. Nos pères qui nous valaient certainement pleuraient aux mystères. C’est au tableau de la passion du Sauveur que Clovis, bondissant, s’écriait : “Que n’’étais-je là avec mes Francs.

Abbé V. G. Berthoumieu (1873)

Le drame de la Passion est universel et ne se terminera en quelque sorte qu’avec le monde, car ce sont tous les hommes qui par leurs péchés ont coopéré à la mort du Christ. Par ses souffrances rédemptrices, Jésus a dû triompher, en étant la victime, de toutes les passions qui agiteront le genre humain jusqu’à la consommation des siècles. Il a en effet expié l’orgueil de tous ceux qui partagent cette haine de la vérité qui a rendu les Juifs homicides ; l’avarice de tous ceux qu’obsède le démon de l’argent qui porta Judas à vendre son Maître ; l’impudicité de tous ceux qui se plaisent dans les plaisirs sensuels, comme Hérode qui renvoya Jésus en s’en moquant ; la cruauté de ceux qui aiment à faire souffrir, comme les soldats qui frappèrent et insultèrent le Christ ; et la lâcheté de ceux qui abandonnent la voie du devoir comme les Apôtres qui abandonnèrent Celui à qui ils devaient tout. La Passion de Jésus-Christ, c’est l’humanité entière qui se rue sur son divin Médecin et que Jésus guérit ; et c’est aussi l’Oint de Dieu, le Roi des Martyrs qui, en face de toutes les générations qui le persécutent, rend à son Père devant le monde entier un suprême témoignage, celui du sang. Le Christ sur sa croix, quel modèle de mort à tous nos péchés, de résistance à toutes les tentations, de lutte contre tous les pécheurs et du témoignage que nous devons à notre tour rendre, au prix de notre vie s’il le faut, à Dieu.

Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ selon S. Jean

Arrestation de Jésus

En ce temps-là, Jésus se rendit avec ses disciples au delà du torrent de Cédron, où il y avait un jardin, dans lequel il entra, lui et ses disciples. Judas, qui le trahissait, connaissait aussi ce lieu, parce que Jésus y était souvent venu avec ses disciples. Judas, ayant donc pris la cohorte, et des gardes fournis par les princes des prêtres et les pharisiens, vint là avec des lanternes, des flambeaux et des armes. Jésus, sachant tout ce qui devait lui arriver, vint au-devant d’eux, et leur dit : Qui cherchez-vous ? Ils lui répondirent : Jésus de Nazareth.
Jésus leur dit : C’est moi. Or Judas, qui le trahissait, se tenait là aussi avec eux. Lors donc que Jésus leur eut dit : C’est moi, ils reculèrent et tombèrent par terre. Il leur demanda de nouveau : Qui cherchez-vous ? Et ils dirent : Jésus de Nazareth. Jésus répondit : Je vous ai dit que c’est moi ; si donc c’est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci.
Il dit cela, afin que s’accomplît cette parole qu’il avait dite : De ceux que vous m’avez donnés, je n’en ai perdu aucun.
Alors Simon-Pierre, qui avait une épée, la tira, frappa le serviteur du grand-prêtre, et lui coupa l’oreille droite. Ce serviteur s’appelait Malchus. Mais Jésus dit à Pierre : Remets ton épée dans le fourreau. Ne boirai-je pas le calice que mon Père m’a donné ? La cohorte, et le tribun, et les satellites des Juifs prirent donc Jésus et le lièrent. Et ils l’emmenèrent d’abord chez Anne, car il était le beau-père de Caïphe qui était grand-prêtre cette année-là.

Jésus au palais du Grand-Prêtre

Caïphe était celui qui avait donné ce conseil aux Juifs : Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple. Cependant, Simon-Pierre suivait Jésus, avec un autre disciple. Ce disciple était connu du grand-prêtre, et il entra avec Jésus dans la cour du grand-prêtre ; mais Pierre se tenait dehors, près de la porte. L’autre disciple, qui était connu du grand-prêtre, sortit donc, et parla à la portière, et fit entrer Pierre. Cette servante, qui gardait la porte, dit à Pierre : N’es-tu pas, toi aussi, des disciples de cet homme ? Il dit : Je n’en suis pas. Les serviteurs et les satellites se tenaient auprès du feu, parce qu’il faisait froid, et ils se chauffaient. Pierre était aussi avec eux, et se chauffait. Cependant, le grand-prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine. Jésus lui répondit : J’ai parlé ouvertement au monde ; j’ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s’assemblent, et je n’ai rien dit en secret. Pourquoi m’interroges-tu ? Demande à ceux qui m’ont entendu ce que je leur ai dit ; eux, ils savent ce que j’ai dit. Lorsqu’il eut dit cela, un des satellites, qui se trouvait là, donna un soufflet à Jésus, en disant : Est-ce ainsi que tu réponds au grand-prêtre ? Jésus lui répondit : Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ; mais, si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? Anne l’envoya lié à Caïphe, le grand-prêtre. Or Simon-Pierre était là debout, et se chauffait. On lui dit donc : N’es-tu pas, toi aussi, de ses disciples ? Il le nia, en disant : Je n’en suis pas. Alors un des serviteurs du grand-prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, lui dit : Est-ce que je ne t’ai pas vu dans le jardin avec lui ? Pierre le nia de nouveau ; et aussitôt le coq chanta.

Jésus chez Pilate

Ils conduisirent donc Jésus de chez Caïphe au prétoire. C’était le matin, et ils n’entrèrent point eux-mêmes dans le prétoire, afin de ne pas se souiller, et de pouvoir manger la pâque.
Pilate vint donc à eux dehors et dit : Quelle accusation portez-vous contre cet homme ?
Ils lui répondirent : Si ce n’était pas un malfaiteur, nous ne te l’aurions pas livré. Pilate leur dit : Prenez-le vous-mêmes, et jugez-le selon votre loi. Mais les Juifs lui dirent : Il ne nous est pas permis de mettre personne à mort. C’était afin que s’accomplît la parole que Jésus avait dite, lorsqu’il avait marqué de quelle mort il devait mourir (1). Pilate entra donc de nouveau dans le prétoire, et appela Jésus ; et il lui dit : Es-tu le roi des Juifs ? Jésus répondit : Dis-tu cela de toi-même, ou d’autres te l’ont-ils dit de moi ? Pilate répondit : Est-ce que je suis Juif, moi ?
Ta nation et les princes des prêtres t’ont livré à moi ; qu’as-tu fait ? Jésus répondit : Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu, pour que je ne fusse pas livré aux Juifs ; mais mon royaume n’est point d’ici. Pilate lui dit alors : Tu es donc roi ? Jésus répondit : Tu le dis, je suis roi. Voici pourquoi je suis né, et pourquoi je suis venu dans le monde : pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité, écoute ma voix. Pilate lui dit : Qu’est-ce que la vérité ? Et ayant dit cela, il sortit de nouveau, pour aller auprès des Juifs. Et il leur dit : Je ne trouve en lui aucune cause de condamnation. Mais, c’est la coutume que je vous délivre quelqu’un à la fête de Pâque ; voulez-vous donc que je vous délivre le roi des Juifs ?
Alors, de nouveau, ils crièrent tous en disant : Pas celui-là, mais Barabbas. Or Barabbas était un brigand. Pilate prit donc alors Jésus, et le fit flageller. Et les soldats, ayant tressé une couronne d’épines, la mirent sur sa tête, et le revêtirent d’un manteau de pourpre. Puis ils venaient auprès de lui, et disaient : Salut, roi des Juifs ; et ils lui donnaient des soufflets. Pilate sortit donc de nouveau, et dit aux Juifs : Voici que je vous l’amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucune cause de condamnation. Jésus sortit donc portant la couronne d’épines et le manteau de pourpre.
Et Pilate leur dit : Voici l’homme. Lorsque les princes des prêtres et les satellites le virent, ils criaient, en disant : Crucifie, crucifie-le ! Pilate leur dit : Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le ; car moi, je ne trouve en lui aucune cause de condamnation. Les Juifs lui répondirent : Nous avons une loi, et selon notre loi, il doit mourir, parce qu’’il s’est fait Fils de Dieu. Lorsque Pilate entendit cette parole, il craignit encore davantage. Et étant entré de nouveau dans le prétoire, il dit à Jésus : D’où es-tu ? Mais Jésus ne lui fit pas de réponse. Alors Pilate lui dit : Tu ne me parles pas ? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te crucifier, et le pouvoir de te délivrer ? Jésus répondit : Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’avait été donné d’en haut. C’est pourquoi celui qui m’a livré à toi est coupable d’un plus grand péché. Dès lors, Pilate cherchait à le délivrer. Mais les Juifs criaient, en disant : Si tu le délivres, tu n’es pas l’ami de César ; car quiconque se fait roi se déclare contre César. Pilate, ayant entendu ces paroles, amena Jésus dehors, et s’assit sur le tribunal, au lieu appelé Lithostrotos, en hébreu, Gabbatha.
C’était le jour de la préparation de la Pâque, et environ la sixième heure. Et il dit aux Juifs : Voici votre roi. Mais ils criaient : Ôte-le, ôte-le ; crucifie-le ! Pilate leur dit : Crucifierai-je votre roi ? Les princes des prêtres répondirent : Nous n’avons pas d’autre roi que César. Alors il le leur livra pour être crucifié.

(1) Depuis l’occupation de la Palestine par les Romains, les Juifs n’avaient plus le droit de mettre eux-mêmes à mort les criminels. Autrement ils eussent lapidé Jésus comme blasphémateur, alors que le supplice infligé habituellement par les Romains était celui de la croix.

Le crucifiement

Ils prirent donc Jésus, et l’emmenèrent. Et, portant sa croix, il vint au lieu appelé Calvaire, en hébreu, Golgotha. Là ils le crucifièrent, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. Pilate rédigea aussi une inscription, qu’il plaça au-dessus de la croix. Il y était écrit : Jésus de Nazareth, roi des Juifs (1).
Beaucoup de Juifs lurent cette inscription, car le lieu où Jésus avait été crucifié était près de la ville. Elle était rédigée en hébreu, en grec et en latin.
Mais les pontifes des Juifs disaient à Pilate : N’écris pas : Roi des Juifs, mais écris qu’il a dit : Je suis le roi des Juifs.
Pilate répondit : Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. Les soldats, après avoir crucifié Jésus, prirent ses vêtements, et en firent quatre parts ; une part pour chaque soldat. Ils prirent aussi sa tunique ; c’était une tunique sans couture, d’un seul tissu depuis le haut jusqu’en bas.
Et ils dirent entre eux : Ne la déchirons pas, mais tirons au sort à qui elle sera. C’était afin que s’accomplît cette parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont tiré ma tunique au sort. C’est là ce que firent les soldats. Cependant, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie-Madeleine. Ayant donc vu sa mère, et auprès d’elle, le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : Femme, voilà votre Fils. Puis il dit au disciple : Voilà ta mère. Et, à partir de cette heure, le disciple la prit chez lui.

(1) Nos crucifix ne portent que les premières lettres des mots : Jesus Nazarénus Rex Judæorum : I.N.R.I.

La mort de Jésus

Après cela, Jésus sachant que tout était accompli, afin que l’Écriture fût accomplie, dit : J’ai soif. Il y avait là un vase plein de vinaigre. Les soldats en remplirent une éponge, et la fixant à un rameau d’hysope, l’approchèrent de sa bouche. Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit : Tout est accompli. Et inclinant la tête, il rendit l’esprit.
Or comme c’était la préparation, de peur que les corps ne restassent sur la croix pendant le sabbat, car ce jour de sabbat était solennel, les Juifs demandèrent à Pilate qu’on rompît les jambes des suppliciés, et qu’on les enlevât. Les soldats vinrent donc, et rompirent les jambes au premier, puis à l’autre qui avait été crucifié avec lui. Étant ensuite venus à Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes ; mais un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui l’a vu en a rendu témoignage, et son témoignage est véridique. Et il sait qu’il est vrai, afin que, vous aussi, vous croyiez. Car ces choses ont été faites, afin que l’Écriture fût accomplie : Vous ne briserez aucun de ses os. Et ailleurs, l’Écriture dit encore : Ils contempleront celui qu’ils ont percé.

L’ensevelissement de Jésus

Après cela, Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret, par crainte des Juifs, demanda à Pilate qu’il lui permît de prendre le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Il vint donc, et prit le corps de Jésus. Nicodème, qui auparavant était venu auprès de Jésus pendant la nuit, vint aussi, apportant environ cent livres d’une composition de myrrhe et d’aloès. Ils prirent donc le corps de Jésus, et l’enveloppèrent de linceuls, avec les aromates, comme c’est la coutume d’ensevelir chez les Juifs. Or il y avait, dans le lieu où il avait été crucifié, un jardin, et dans ce jardin un sépulcre neuf, où personne encore n’avait été mis. Ce fut donc là, à cause de la préparation des Juifs, parce que le sépulcre était proche, qu’ils déposèrent Jésus.

Jésus s’écria d’une voix forte : «Père, je remets mon esprit entre tes mains.» Après avoir dit ces paroles, il expira.
Luc 23:46
Panier

Tous droits réservés et déposé à l'INPI : Terre Mystique © . Textes ou les photographies ne peuvent être reproduites, téléchargées, copiées, stockées, dérivées ou utilisées en partie ou en intégralité.

Retour en haut