Catherine Benincasa naquit à Sienne, alors république indépendante et florissante, le 25 mars 1347, en la fête de l’Annonciation, qui était en même temps, cette année-là, le dimanche des Rameaux. Elle était l’avant-dernière des vingt-cinq enfants de Jacques Benincasa, honorable teinturier, et de Lapa des Piagenti.

Vive, gaie, forte, elle disait d’elle-même, dans une prière, vers la fin de sa vie : « Dans ta nature, ô Dieu, je reconnais ma propre nature ; et qu’est-ce que ma nature ? Ma nature, c’est le feu. » Sa nature, soit, mais si promptement surélevée par les dons divins les plus précieux, que ce feu, — très brûlant, — ne fut jamais que le feu de l’amour de Dieu et de l’amour des âmes. Elle n’était âgée que de six ans, — et déjà très pieuse et dévote à la sainte Vierge, — lorsqu’une vision, la première d’une vie qui ne fut qu’une longue suite d’extases, la transforma toute. Un jour qu’’elle traversait, avec son frère Étienne, une rue de la ville, Notre-Seigneur lui apparut dans les airs, au-dessus de l’église des Dominicains ; il était revêtu des ornements que porte le pape, environné des saints Pierre, Paul et Jean ; il sourit à l’enfant et la bénit affectueusement d’un signe de croix. La petite fille, tout extasiée, resta les yeux fixés au ciel, jusqu’à ce que Étienne, qui l’avait devancée, revînt sur ses pas et la tirât de son ravissement à force de cris.

Dès lors elle n’eut plus qu’une pensée : la prière ; qu’un désir : se donner à Dieu. À sept ans, elle faisait le vœu de n’avoir jamais d’autre époux que lui. Mais déjà elle avait inauguré une vie d’intimité divine et d’austérités qu’elle perfectionna toujours. Elle ne savait pas lire, — elle l’apprit presque miraculeusement vers 1367 — mais Dieu se fit son maître et lui enseigna non seulement les secrets de l’union la plus étroite avec lui, mais même les merveilleux exemples de la Vie des Saints, des Pères du désert et de saint Dominique en particulier. Et elle s’efforçait de les réaliser en elle-même.

Cependant, malgré l’admiration qu’excitait autour d’elle sa vertu naissante, l’affection très tendre, mais trés humaine, de ses parents la destina au mariage dès qu’elle eut douze ans.

Une de ses sœurs, mariée déjà et fort bonne chrétienne du reste, fut chargée de l’initier à une vie plus mondaine ; elle y réussit en partie. Catherine, sans jamais modifier ses projets, sans nullement céder à une coquetterie juvénile, uniquement pour faire plaisir à sa sœur très aimée, consentit à se parer un peu. Ce fut une faute qu’elle ne cessa ensuite de pleurer amèrement. Elle en fut vite corrigée par la mort rapide de celle qui l’avait entraînée. Alors, pour faire voir sa volonté absolue de rester vierge toujours, elle coupa ras son abondante chevelure. Ce fut dans la famille un grand scandale et une grande colère.

Il lui fut déclaré qu’on saurait bien la mater, la contraindre au mariage. Et, pour le lui prouver, on en fit la servante de la maison, on lui interdit d’avoir une chambre à elle, on la tint constamment à l’œil. L’enfant se soumit humblement et joyeusement à ce servage, se représentant qu’elle s’en acquittait envers Notre-Seigneur, sa sainte Mère, ses apôtres. Enfin sa constance et son énergie triomphèrent. Non seulement il lui fut permis de se livrer à toute piété, mais même elle put s’affilier au tiers ordre féminin de Saint-Dominique, qu’on appelait, du nom de leur manteau, les Mantellate.

Ainsi approuvée, elle se fit, dans un coin de la maison paternelle, une cellule qui fut le témoin d’une vie toute retirée, confinée dans l’oraison et la pénitence. Cette enfant de quinze ans ne sortait plus que pour aller à l’église et aux réunions de ses sœurs les Mantellate. Elle ne prenait plus ni viande ni aliments cuits, sauf le pain, qu’elle en vint à mêler avec des herbes crues ; pour boisson, de l’eau à peine colorée de vin d’abord, puis sans aucun mélange. Plus tard elle finit par ne plus manger du tout, et les efforts qu’elle fit, par obéissance, pour prendre un peu de nourriture, n’aboutissaient qu’à la lui faire rendre immédiatement avec du sang. Elle couchait par terre, sur les carreaux, la tête appuyée à une pierre; encore veillait-elle jusqu’à ce que sonnassent les matines des dominicains. Dans ses dernières années, elle ne dormait guère qu’un quart d’heure par nuit. Elle ceignait sa taille d’une chaîne de fer étroitement serrée ; elle se flagellait trois fois par jour, toujours au sang, avec une discipline de fer. Aussi, elle qui, adolescente, portait sur ses épaules la charge d’une bête de somme, à vingt-huit ans se traînait à peine; mais la vigueur morale n’avait pas fléchi et le corps obéissait à tout.

Cette solitude, qui n’altérait en rien la bonne humeur et la grâce souriante de Catherine, était du reste enchantée par les visions continuelles où Notre-Seigneur se livrait à sa fille avec une familiarité jamais plus grande pour aucun saint. Il se montrait dans la petite cellule, à l’église, dans les rues, au jardin des Benincasa ; il s’associait à la prière de Catherine, s’asseyait en ami à ses côtés sur son petit banc, lui amenait, en visites célestes, saint Jean, saint Jacques, sainte Madeleine ; il chantait même avec elle et avec ses amis du ciel. Surtout il lui servait de maître. C’est lui, dit-elle à son confesseur, « qui m’a tout enseigné, soit par des inspirations intérieures, soit en se manifestant visiblement à moi et en conversant avec moi comme je le fais en ce moment avec vous. » Il lui apprit d’abord à se connaître : « Je veux, lui -disait-il, que ta cellule soit celle de la connaissance de toi-même et de tes péchés. » Mais être pécheresse, c’est être quelque chose. « Ma fille, ajoutait-il, tu es celle qui n’est pas et je suis Celui qui est. » De cette double science, d’elle et de Dieu, sont nées toutes ses vertus, et sur cette science encore elle a fondé les leçons que plus tard elle donna à ses disciples.

Les faveurs de Jésus lui rendaient possible la lutte contre le démon ; car la chambrette était visitée aussi par la tentation ; plus d’une fois elle fut violente. Tentation de vanité et de coquetterie ; victorieuse, Catherine vit la sainte Vierge la revêtir d’une robe étincelante d’or, de perles, de diamants : « Cette robe, lui dit Marie, je l’ai tirée pour toi du cœur de mon Fils,.. et de mes propres mains je l’ai brodée. » Tentation plus redoutable, plus pressante, plus honteuse, d’impureté.

La jeune fille, presque au désespoir, mais vaillante toujours, en triomphe dans un sursaut final de volonté. Et Jésus se montre couvert de blessures et de sang : « Où étiez-vous, Seigneur, pendant que je souffrais ? lui crie la victorieuse encore frémissante de la bataille — J’étais dans ton cœur ; car je ne m’’éloigne jamais que de ceux qui les premiers s’éloignent de moi. »

Et la veille des Cendres de l’année 1367, Notre-Seigneur voulut consommer avec la jeune fille si privilégiée, mais si généreuse, son union mystique. « Puisque par amour pour moi, lui dit-il, tu as renoncé à tous les plaisirs, j’ai résolu de t’épouser dans la foi et de célébrer solennellement mes noces avec toi. » Alors se montrèrent sa sainte Mère, saint Jean, saint Paul, et le roi David, le chantre céleste de ce divin mariage. Aux sons de la harpe royale, Jésus prit la main de Catherine et passa à son doigt un anneau merveilleux ; l’alliance, qui resta toujours visible à la Sainte, était un cercle en or, sertissant un grand diamant entouré de quatre perles.

Désormais l’épouse de Jésus était armée pour les combats où il envoie ceux qui l’aiment. À vingt ans, elle sort, sur l’ordre de son Époux, de sa solitude ; elle se consacre d’abord au soin des pauvres et des malades. L’hôpital la voit au chevet des infirmes les plus dégoûtants ; elle se penche sur les lépreux ; pour se vaincre, elle les baise sur leurs plaies, boit l’eau où elle les a lavés. Sa charité, prévenante, gracieuse et joyeuse, gagne les cœurs ; déjà s’ébauche autour d’elle la brigala d’amis et d’amies dévoués qui jusqu’à la fin lui fera cortège. Mais sa vraie récompense lui vient toujours de son Jésus adoré, Gesu doice, Gesu amore. Le 17 juillet 1370, il lui fait présent de sa volonté ; le 20, il lui donne son Cœur divin, pour remplacer le cœur humain que peu de jours auparavant il lui a pris.
Et le 18 août, en considérant l’’amour du Sauveur pour elle et pour le monde, elle sentit son cœur se briser. « Elle rendit l’esprit » affirment les assistants. Mais au bout de quelques heures de cette mort mystique, elle rouvrit les yeux, qui laissaient voir une indicible déception : elle avait visité, après l’enfer et le purgatoire, le ciel ; quelques instants elle avait entrevu la béatitude, et elle en gardait un dégoût des choses du monde qui s’exprima deux jours de suite par des larmes continuelles.

Mais elle était revenue sur terre parce que, lui dit Jésus, « le salut de plusieurs dépend de ce retour. » Elle ira aux âmes ; après avoir soigné les corps, elle appellera les âmes à la vie.
Son influence s’affirme et se répand. Il devient impossible de se soustraire à l’ardeur de sa charité, à l’éloquence de sa parole, à la grâce de son sourire. Nul pécheur qui l’affronte ne reste invaincu ; les plus grands scélérats se rendent, confessent leurs fautes à l’un des trois prêtres que, par permission du pape, elle mêne partout avec elle, et souvent inaugurent une vie de sainteté. On sait l’histoire de ce jeune Pérugin, Nicolas Toldo, condamné à mort par les Siennois pour quelques paroles inconsidérées. Désespéré, il refuse les secours de la religion, il blasphème, il maudit Dieu. Mais Catherine entre dans sa prison ; elle l’appelle : « Mon doux frère,… » et le voilà changé ; il pleure, il prie, il se confesse. Pour unique grâce, il demande à la vierge de l’accompagner au supplice. Elle y vient en effet ; elle découvre le cou du patient qui s’agenouille en souriant. « Ses lèvres, a-t-elle raconté, ne proféraient que : Jésus ! Catherine ! Et je fermai les veux en disant : Je veux ! et je reçus sa tête entre mes mains. »

Je veux ! Mot familier à la sainte, qui le dit sans cesse qui l’écrit partout. Mot étrange au premier abord ; mais n’avait-elle pas reçu la volonté du Christ ? Aussi n’hésitait-elle plus, malgré son humilité, à affirmer cette volonté comme la sienne, même en parlant au pape.

Car voici maintenant qu’elle est chargée par Dieu d’une mission universelle pour le bien de l’Italie et du monde. Depuis 1305, les papes ont quitté Rome ; ils habitent Avignon ; c’est un grand mal pour l’Église, et pourtant nul, même sainte Brigitte, qui s’y est employée, n’a pu les faire revenir. Jésus en donne la charge à Catherine. Mais il l’y prépare, il l’en rémunère à l’avance en lui imposant sa couronne d’épines, en lui imprimant ses stigmates sacrés. Alors elle part pour Avignon, -elle parle à Grégoire XI, et ce pape, Français, — retenu par ses intérêts, son patriotisme, son langage, — à la voix de cette Italienne qu’il ne comprend même pas, trouve le courage de vaincre toutes les résistances, — même les siennes propres, —et, passant par-dessus le corps de son père, qui se couche devant lui pour l’arrêter, reprend le chemin de Rome, où il va mourir.

Après cette victoire, Catherine négocie encore la paix entre Florence, Sienne, Naples et le Saint-Siège. Sa correspondance s’active et se multiplie. Mais les passions sont plus fortes que son zèle. Elle ne peut ni empêcher ni restreindre le grand schisme d’Occident qui commence. Il ne lui reste qu’à mourir. Le dimanche de la Sexagésime, 29 janvier 1380, elle s’est offerte une fois encore en victime d’expiation ; Dieu, dans une vision, lui met sur les épaules le faix de l’Église ; elle en est écrasée.
Dès lors elle languit ; la continuité, l’ardeur de sa prière la consume, la tue. Enfin, le dimanche 29 avril, entourée de ses enfants, — Mantellate très chères, dominicains ses frères et ses instruments, jeunes nobles qu’elle a convertis et à -qui elle ouvre les yeux sur leur avenir, — elle dit : « Père, je remets mon âme entre tes mains. » — « Et, le visage rayonnant comme celui d’un ange, elle incline doucement la tête et rend l’esprit » à l’âge de trente-trois ans.

Ouvrage : Saints et Saintes de Dieu, Imprimatur 30 Décembre 1924

Le pape Pie II la canonisa en 1461, quatre-vingt et un ans après sa naissance au ciel, et Urbain VIII, dans la réforme du Bréviaire, transféra sa fête au 30 avril.

Par décret du 13 avril 1866, Pie IX a établi sainte Catherine de Sienne, la seconde patronne de Rome

✠ Prière à l’Esprit Saint – Sainte Catherine de Sienne, Docteur de l’Église

Ô Esprit Saint, viens dans mon cœur ; par ta puissance, attire-le à toi, ô Dieu vrai, et accorde-moi la charité en même temps que la crainte.
Ô Christ, garde-moi de toute mauvaise pensée ; réchauffe-moi et embrase-moi de ton très doux amour, et toute peine me semblera légère.
Ô mon Père saint, mon doux Seigneur, maintenant aide-moi dans toutes mes actions.
Christ Amour ! Christ Amour !
Ainsi soit-il

Sainte Catherine de Sienne, douce et fervente servante de Dieu ; intercède pour nous.
Panier

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