Que les démons soient ou non de purs esprits, ce monde des corps, vivants ou non, ce monde matériel, depuis les profondeurs intimes de la terre, jusqu’aux plus sublimes régions de l’air ou de l’éther, est donc pénétré et traversé sans cesse par le monde des Esprits !

Si les textes sacrés ne m’étaient venus en aide pour cette démonstration, je crois que, malgré toute mon audace chrétienne, je n’eusse osé laisser s’emporter si loin ma croyance. Mais que peuvent objecter des chrétiens devant le texte même de leur loi et de leur foi ! Eh bien, usons encore du secours qui nous est offert, et tirons-en parti pour arriver au dernier mot d’une question que nous laissons se poser en ces termes :

Existe-t-il des lieux qui soient plus spécialement visités que d’autres par les Esprits malfaisants ; des lieux où leur pouvoir éclate par des manifestations plus sensibles et plus fréquentes ?

J’ouvre l’Évangile de saint Marc (ch. V) et j’y apprends qu’une légion d’Esprits impurs, possédant un même homme, l’arrachait à la vie commune pour le fixer jours et nuits dans les sépulcres et sur les montagnes, où ils forçaient ce malheureux à se meurtrir de ses propres mains …« Comment te nommes- tu ? lui dit Jésus. – Je me nomme Légion , parce que nous sommes plusieurs. » Et cette légion d’Esprits supplie Jésus avec instance de ne point les chasser hors du pays où ils résident. — Jésus se rend à leur prière.

«Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, dit saint Luc ( ch. XI ), il s’en va par des lieux arides, cherchant du repos ; et, comme il n’en trouve pas, il revient vers la maison qu’il a quittée. Elle est nettoyée et parée. Alors il s’en va prendre sept Esprits plus méchants que lui et, entrant dans cette maison, ils en font leur demeure. » Le dernier état de cet homme devient pire que le premier (Nous savons que ces textes peuvent se prendre non-seulement au propre, mais au figuré ; qu’importe ? Ce qui abonde est loin de vicier .).

Mais pourquoi la recherche, la vaine recherche de ces lieux arides ; pourquoi la prédilection des démons pour telle ou telle localité, pour tel ou tel individu ? Dieu le sait, puisque les Écritures le disent ; et je ne me vante ni d’avoir assisté aux conseils de Dieu, ni de connaître, ni d’expliquer à fond les mœurs de ces dangereux Esprits. Je suis trop heureux, en occupant le lecteur de ce sujet, de pouvoir effacer jusqu’à l’idée de ma personne derrière la puissance des autorités. Avec un peu de patience, d’ailleurs, nous verrons assez de déductions s’échapper de vive force des faits dont le cortège se prépare .

Pierre Thyrée, professeur et prédicateur, appartenant à l’ordre naissant des jésuites, se distingua dans le XVIe siècle par l’étendue et la variété de ses recherches. La solidité de sa science fut jugée telle que, de nos jours encore, son livre le plus curieux figure parmi les principales autorités sur lesquelles s’appuie la Théologie mystique de Schram . C’est nommer un des ouvrages les plus classiques, les plus modernes, et les plus estimés de notre Église. (Ad usun Directorum animarum, Paris, 1848.) S’avançant en général, en tête d’une longue suite d’autorités, auxquelles il est bien difficile de refuser le passage, le livre de Thyrée, puissant de conviction, et justifié d’ailleurs par la croyance aux faits similaires que professe la nouvelle école des incrédules, ce livre savant et courageux porte pour titre : Des lieux infestés par les démons, et les âmes des morts, etc. Ce sont là les âmes que le langage vulgaire qualifie du nom très-expressif de revenants ! (1589, Lugduni.)

Eh bien, Thyrée nous dit, et ses pages démontrent, « ce que l’expérience de tous les temps et de toutes les régions du monde nous enseignent, à savoir : que certains lieux particuliers sont comme un domaine tantôt fréquenté, ou hanté, tantôt possédé par les Esprits et par les fantômes (Ce sont là précisément les local influences of the mundane force des incrédules de l’école nouvelle. Tous les phénomènes, et sans excepter les plus incroyables, sont donc admis, à l’heure présente, par les adversaires de la foi chrétienne. Entre eux et les chrétiens il ne subsiste plus d’autre différence que celle de l’explication ; et nous verrons quelle est la leur. La raison, la philosophie, cette noble fille qui est une sœur de la foi, deviendrait une bien sotte personne si elle s’avisait de la renier !)» .

Après les demeures que les hommes habitent, et où les démons peuvent tendre leurs silencieuses embûches à cette proie, objet de leur inassouvissable convoitise, les lieux que ces Esprits recherchent de préférence, sont les déserts et les solitudes incultes. Sur ce point, l’expérience des plus saints ermites est consommée, et nous l’appellerons en témoignage. Saint Jérôme, saint Athanase, saint Cyrille, expriment le goût général des démons pour le désert. Conjurés, menacés par saint Germain, évêque de Paris, les mauvais Esprits le suppliaient encore avec instance, comme jadis le Christ, de leur permettre, au moins, d’errer dans la solitude s’ils ne pouvaient demeurer aux lieux que fréquentaient les hommes. ( Thyrée , p . 79. )

Le désert est ta demeure, dit au démon le Rituel romain ! (formule des exorcismes) Après le désert aride et inculte, les lieux couverts d’eaux et marécageux sont quelquefois, dit le même investigateur, un de ces foyers où pullulent, et d’où se dégagent les Esprits de ténèbres. Et tout ce qui est a sa raison d’être ; c’est ce que démontre le temps, qui est le grand justificateur de toutes les vérités.

Michel d’Isselt cite comme exemple un marais et un lac de Livonie, situé à quelques milles d’Odèpe, et qui était infesté par les démons. Malheur aux voisins de ces eaux lugubres, si, chaque année, le sang de quelques enfants ne venait les teindre, et annoncer à ces monstres le tribut de Minautore, que leur but infernal était de percevoir. Nul relâche dans les fléaux qui se succédaient, jusqu’au jour où le sang humain payait sa dette.

Les antres, les cavernes profondes, et surtout les mines métalliques, offrent encore aux démons un lieu privilégié de retraite et d’embuscade. A peine saurait-on mentionner un de ces lieux souterrains que les Esprits n’aient mis en renom, en y donnant des signes de leur funeste puissance (Nous avons entendu tout à l’heure la voix du peuple appeler les fées, le peuple souterrain, et les taupes. L’histoire des tables parlantes démontre qu’il s’en rencontre partout.).

Nous nommerons encore, parmi les lieux hantés, de vieux et grands châteaux aux fortifications à demi croulantes, de vastes et d’immenses édifices. Nous pourrions en montrer du doigt un certain nombre que leurs habitants se virent réduits à déserter, vaincus par l’épouvante qu’y jetaient les menées des fantômes. Et nous en savons d’autres encore où la nuit succède au jour sans que les vivants cessent d’être tourmentés par les Esprits.

D’importants témoignages établissent que des phénomènes de même nature semblent se perpétuer, et comme renaître d’eux-mêmes, sur certains champs de bataille qui doivent à d’éclatants désastres leur funèbre illustration.

Aux lieux que sanctifient par leur présence des hommes d’une insigne piété ; ou bien, au contraire, au fond de la demeure du coupable qui a versé le sang de l’innocence ; sous le toit de l’homme qui souille sans remords sa conscience, de même qu’aux places marquées par le supplice de grands criminels, l’enfer toujours disposé à épouvanter et à tourmenter la race humaine, vomit de temps à autre ses malfaisants champions. Ceux-ci deviennent alors comme les seigneurs du terrain où ils se plaisent à multiplier leurs apparitions hideuses, leurs molestations et leurs attaques.

Malheur donc, malheur quelquefois dès ce monde, à ceux qui, par la dépravation de leur vie, ne craignent point de donner entrée au démon … Voilà pourquoi… les citées désertes des Iduméens , disait le prophète, vont devenir le repaire des démons et des Onocentaures ; voilà pourquoi les satyres y jetteront leurs cris les uns aux autres…

Quoi qu’il en soit de ces diverses causes, parmi les lieux infestés les uns le sont accidentellement, comme pour châtier et signaler les hommes vicieux qui les habitent ; mais, chose plus surprenante encore, les autres se trouvent comme par nature assujettis à ces fréquentations sinistres ; ce sont de véritables foyers d’infection démoniaque. C’est donc un point de haute importance, lorsque quelque intérêt nous sollicite à des recherches, de ne point confondre, dans nos appréciations, le lieu où il arrive à un Esprit d’apparaître, avec le lieu où des Esprits ont élu domicile et se sont implantés, pour exercer avec l’opiniâtreté de leur race d’implacables molestations. ( Thyr., p. 24, 25. )

Jadis et à l’époque où l‘idolâtrie victorieuse étendait ses conquêtes, si les démons apparaissaient dans le désert, s’ils se laissaient furtivement apercevoir dans la solitude, c’était, dit saint Jérôme écrivant la vie de saint Hilarion, c’était afin de persuader aux hommes que les dieux habitaient la terre, et présidaient personnellement aux soins des troupeaux et des champs, à la surveillance des bois et des montagnes. Des manifestations d’une si claire évidence avaient pour but et pour effet de décider l’espèce humaine égarée à offrir ses sacrifices aux divinités, qui sortaient des habitudes de leur nature pour venir elles-mêmes les réclamer comme un si légitime hommage.

Depuis la venue du rédempteur, leur but principal, en se répandant dans le désert, fut de nuire aux hommes de Dieu qui se détachaient du monde afin de pratiquer les saintes rigueurs de la pénitence dans la paix du silence et de la solitude ; ce fut de les détourner du bien, et de les pousser vivement au mal. Car cet invariable, cet éternel motif est celui qui les stimule à s’acharner contre les serviteurs de Jésus-Christ, dans tous les lieux où la Providence permet à leur fureur de se déchaîner. Il est si naturel de persécuter ceux que l’on hait ! … Et, croyez-moi , disait saint Antoine, d’après les témoignages de saint Athanase, il n’est rien que Satan redoute et déteste plus que les veilles, que les prières et le jeûne des saints, que leur pauvreté volontaire, leur charité, leur humilité, mais par-dessus tout leur ardent amour du Christ notre maître.

Aussi l’ennemi de Dieu s’efforçait-il de terrifier les religieux qui, presque du vivant des apôtres, avaient envahi la solitude. Et, pour emprunter à Cassianus son expression, telle fut la férocité des démons dans le désert qu’il ne put y séjourner qu’un bien petit nombre de moines, c’est-à-dire les plus âgés, ces vétérans pieux dont l’expérience rendait la fermeté vraiment inébranlable. ( Thyr., p. 89 à 99. )

L’Esprit de perdition se garde bien de tourmenter ou d’affliger de la sorte ceux qu’il voit s’adonner au plaisir de la chair et vivre de voluptés. Ce sont là les gens qu’il épargne et qu’il caresse, si ce n’est par exception, lorsqu’ils ont commis quelque grand crime dont Dieu, son maître, lui ordonne de tirer une vengeance sensible et anticipée. ( Thyr., p. 98.)

Extrait de l’ouvrage : Mœurs et pratiques des démons ou des esprits visiteurs, par Le Chevalier Gougenot des Mousseaux, 1854)

Disponible à l’achat en cliquant sur la photo ci-dessous

mœurs et pratiques des démons ou esprits visiteurs du spiritisme ancien et moderne
Panier

Tous droits réservés et déposé à l'INPI : Terre Mystique © . Textes ou les photographies ne peuvent être reproduites, téléchargées, copiées, stockées, dérivées ou utilisées en partie ou en intégralité.

Retour en haut