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Mais, entre les Esprits et la personne qui se détermine à entrer en commerce avec eux, n’est-il pas essentiel, la plupart du temps, de se procurer un agent intermédiaire ?

A prendre les choses comme elles se passent, il est certain que les apparences militent en faveur de cette supposition. Cependant, rien de plus variable encore que cet ordre de phénomènes selon les temps, selon les lieux, selon mille circonstances indéfinissables ; et, jusqu’ici, dans notre siècle, en notre bon et catholique pays de France, les médiums les plus vulgaires ne sont guère encore que des tables. Il y a pourtant quelques exceptions, et nous devons citer en tête celle des extatiques de Cahagnet.

Je me tairai sur quelques phénomènes du genre de ceux que produisirent les médiums animés, nos tout récents extatiques européens ; phénomènes desquels il résulterait déjà, si nous avions la faiblesse de prendre au sérieux la parole des Esprits, que, dans l’Évangile, deux choses fort hostiles l’une à l’autre se rencontrent : l’histoire et la morale. La morale est pure et digne de louanges, disent ces Esprits ; mais elle n’a pour assise qu’un ensemble de faits mensongers.

A l’appui des blasphèmes de cette nature, que la presse qui fonctionne au service des adeptes a répandus dans le domaine public, je veux citer à cause de la singularité du fait, et je le ferai presque d’un mot, une expérience que je me fis scrupuleusement rapporter :

Le médium, doutant de la parole de l’Esprit qui se communiquait à lui, le pria de lui donner un signe de sa prétendue véracité. Sa prière reçut un prompt exaucement ; car, tout à coup, et par une transfiguration subite, il se trouva reproduire dans sa personne les traits et la figure du Christ lui-même ! Prêtant alors sa voix au dieu qui semblait vivre et se manifester en lui, et s’adressant aux personnes qui l’entouraient, ce médium s’écria : « Cessez de croire à ce qui vous fut enseigné sous l’autorité de mon nom. –Vous, que je désigne , allez ici, et vous qui m’entendez, faites cela ! Vous me voyez, moi , Christ, doutez vous de vos yeux ? Eh bien , je le veux, et je vous le commande ! … » Cela dit, le médium, que l’Esprit avait sacrilégement modelé, redevint lui-même.

Son apostrophe venait de réaliser par anticipation ces mauvais jours où l’imposture, en s‘évertuant à détourner les hommes des voies de l’Église, doit leur dire et leur répéter sous mille formes : Le Christ est ici , le Christ est là ! Comme si le véritable Christ, le Dieu fidèle, pouvait se rencontrer ailleurs que là où sa parole nous enseigne à le chercher, c’est-à-dire avec le corps de l’Eglise dont il est la tête et dont la foi reste immuable parce qu’elle est universelle.

Mais, après tout, quelque nouveau que soit le nom des médiums, ou de ces intermédiaires qu’il plaît au démon de se choisir pour interprètes entre nous et lui, la chose est d’une certaine antiquité. Nous pouvons en produire quelques exemples.

L’un de ceux que les Écritures saintes nous ont appris est le fait de cette servante de la ville de Philippes, qui , ayant un esprit de Python, apportait un grand gain à ses maîtres en devinant. (Actes des Apôtres, chap. XVI, v. 16, 18). Car les uns ont cet Esprit en permanence et paraissent posséder le démon plutôt qu’ils n’en sont possédés ; les autres ne sont sujets à ces tristes inspirations que d’une manière accidentelle.

Peu de phénomènes étaient d’un ordre plus commun, à ce qu’il paraît encore, du temps de saint Augustin, que la lucidité de ces médiums vers lesquels toutes les mauvaises passions humaines poussaient les consultants. La foule s’approchait de ces intermédiaires moyennant finance, avide de les interroger comme on interrogeait la servante de Philippes. C’est de cette tourbe cupide et curieuse que le savant évêque d’Hippone s’est écrié : « Quant aux gens de qui tout l’entretien avec les dieux se réduit à de misérables instances pour un esclave à retrouver une terre à acquérir , un négoce , un mariage, soins futiles dont ils imporlunent la divine providence, ils font en vain profession de sagesse …» Et il ajoute : « Ces dieux, malgré la vérité de leurs prédictions sur tout le reste ; ces dieux , d’une complaisante familiarité , s’ils n’ont aucun conseil, aucun précepte à donner qui intéresse la béatitude, ne sont ni des dieux , ni de bons Esprits ; ils sont, ou l’Esprit séducteur,ou un mensonge de l’homme. » (Cité de Dieu , l. X, ch . XI.)

Psellus décrit une sorte de médium de premier ordre, en retraçant l’histoire de l’initiation du magicien Marcus. Cet homme, qui se convertit par la suite au christianisme, nous dit : «Je fus initié aux ouvres des démons par Aletus Sirius, qui me conduisit de nuit sur le haut d’une montagne (loca infesta), où il m’ordonna de prendre une herbe (sacrement du démon). Lorsque je l’eus prise, il me cracha au visage (variante d’insufflation) et me frotta les yeux d’un onguent qui me faisait voir les démons. Bientôt il me sembla qu’un corbeau, déployant ses ailes, m’entrait dans la bouche ; et, à partir de ce moment, j’eus le don de divination sur toutes sortes de sujets, autant que le voulut l’Esprit qui m’anima. » (De dæmonibus , quomodo occupent hominem … se transforment.)

Les médiums du moyen âge avaient avec les nôtres plus de rapports que ce dernier, et le don de divination leur était communiqué sans grand renfort de cérémonies, quoique souvent, néanmoins, d’une façon toute surnalurelle. L’un des faits les plus curieux de ce genre est celui que rapporte l’auteur des Lettres sur la démonologie.

Le principal personnage de l’aventure est une pauvre campagnarde écossaise, du nom de Bessie Dunlop. Cette brave femme, un beau jour, en 1576, fait la rencontre d’un beau monsieur, qui converse avec elle, qui la réprimande pour avoir péché contre Dieu par d’indiscrètes prières, et qui l’engage à faire pénitence. Quoi de plus juste que cette exhortation ! Mais aussitôt qu’elle est terminée, l’interlocuteur disparaît tout d’un coup par un trou de mur trop étroit pour le passage d’un corps humain. Ce ne fut point sans lui avoir adressé plusieurs prédictions importantes qui presque immédiatement se réalisèrent.

Peu de jours se sont écoulés lorsque cet Homme-Esprit, revenant à la charge, lui déclare être un certain Thome Reid, bien effectivement tué à la bataille de Pinkie, livrée l’an 1547. A partir de ce moment, ce saint conseiller de pénitence, qui l’invitait naguère à désarmer la colère de Dieu, s’engage à lui prodiguer la jouissance de tous les biens imaginables, si elle consent à renier sa foi baptismale. Renier Dieu, le renier en termes bien formels, oh ! non ! et cela se conçoit, Bessie aimerait mieux se faire écarteler toute vive ! …. Passe encore si c’était tout doucement, au jour le jour, et dans la teneur de sa conduite.

En effet, Thome Reid, qui sait son monde, renouvelle ses instances et ses visites, sans que Bessie se figure lui avoir fait de grandes concessions, quoiqu’elle ait accepté ses services. L’Esprit lui apparaît donc avec les priviléges d’un familier, jusque dans la chambre qu’elle habite, et où , ni son mari, ni les ouvriers qu’il occupe ne peuvent l’apercevoir ou l’entendre lorsqu’elle l’entend ou l’aperçoit. Elle le rencontre en tous lieux, que le public les fréquente ou non. C’est dans un cimetière aujourd’hui ; demain ce sera dans les rues d’Édimbourg, mêlé comme un vivant à la foule et s’occupant de soins vulgaires, mais sans que personne semble concevoir le soupçon de sa présence. Et, dans ces occasions, elle se garde bien de lui parler ; car il lui a, de sa bouche, intimé l’ordre de ne jamais l’aborder qu’au paravant il n’eût daigné lui adresser la parole.

L’Esprit qui apparaît sous la forme de Thome Reid ne lui épargne pas ses visites ; il l’affectionne, il l’assiste de ses conseils, et si quelqu’un la consulte sur des maladies humaines, sur les maux du bétail, ou bien à propos d’objets égarés, perdus ou volés, les révélations infatigables de Thome Reid la mettent en mesure de répondre à toutes les questions….. Il lui donne même de sa main des herbes avec lesquelles elle peut opérer des cures.

Interrogée par ses juges, Bessie avoue pleinement les points capitaux sur lesquels l’accusation repose. Et quoique les faits minimes de sorcellerie, allégués à sa charge, n’aient été jamais accomplis par elle que dans l’intention de rendre des services, la condamnation consignée sur les rôles de la justice se résuma dans le laconisme de ces paroles : Convaincue, et brûlée ! …

En définitive, sous quelque forme que les médiums se présentent à nous, ils sont de toutes les époques ! Et soit qu’ils paraissent posséder un Esprit, soit qu’un Esprit semble les posséder , le résultat final de leur médiation est une tendance plus ou moins directe vers l’exaltation de la puissance du démon, au détriment de la GLOIRE DE DIEU.

Extrait de l’ouvrage : Mœurs et pratiques des démons ou des esprits visiteurs, par Le Chevalier Gougenot des Mousseaux, 1854)

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