Satan, pour tromper plus facilement les hommes et les perdre plus sûrement, a cherché, de tout temps, à singer les œuvres de Dieu et à contrefaire les saintes pratiques de la vraie religion.
Autrefois Dieu était consulté par le propitiatoire où il daignait répondre aux questions de ses serviteurs ; ainsi le démon porte les hommes à le consulter dans les idoles par lesquelles il leur donne ses réponses, ce que l’on appelle oracle. Dieu était consulté et manifestait ses secrets par le moyen des sacrifices ; de même le démon veut être consulté par le sacrifice des animaux et répondre à ses suppôts par certains signes apparaissant dans les entrailles des victimes : ce sont les aruspices, Dieu se plaisait à rendre ses oracles par la bouche de ses prophètes… qu’il inspirait à cette fin. Le démon aussi a ses prétendus prophètes, nommés pythons ou devins, Dieu consent quelquefois à révéler ses desseins aux hommes, par l’entremise de personnes défuntes, qu’il fait apparaître aux vivants, ou par le moyen d’un ange revêtu d’une forme humaine ; de son côté, le démon est souvent invoqué afin qu’il fasse apparaître les morts pour répondre à des questions curieuses et indiscrètes, ce qui se nomme nécromancie. Dieu, enfin, condescend, de temps en temps, à manifester ses secrets par des songes, des visions, ou certaines apparitions extraordinaires ; le démon encore, tâche de l’imiter en envoyant aux mortels des songes, par lesquels il cherche à leur persuader ce qu’il désire, et en montrant à ses devins beaucoup de signes et de figures dont il se sert pour faire connaître les choses secrètes et opérer certains effets soi-disant merveilleux.
Toutes ces pratiques inspirées par le malin esprit se rapportent à la divination, c’est-à-dire une superstition par laquelle on emploie, en vue de connaître les choses cachées ou futures, certains moyens qui ne peuvent les faire connaître naturellement.
La divination suppose un pacte, au moins tacite, avec le démon. Les moyens que l’on emploie n’ayant aucun rapport avec les choses dont on désire la connaissance et ne pouvant par conséquent la procurer naturellement, on invoque par là même le secours du démon ; ce qui renferme une grave injure envers Dieu et une espèce d’apostasie. En outre, ceux qui consultent les devins en ajoutant foi à leurs réponses, se rendent coupables de péché mortel, selon Navarre et d’autres théologiens, parce qu’ils participent au pacte que ces derniers ont fait avec l’esprit des ténèbres. Mais le démon, qui inspire les devins, peut-il connaître les choses cachées, passées, présentes et futures ? Voilà une question qu’il importe d’éclaircir.
1° Les théologiens s’accordent à dire que le démon peut connaître les choses passées et secrètes pour les hommes et les faire connaître par le moyen des devins ou pythons qui peuvent raconter en détail un événement déjà fort ancien et inconnu ou complètement oublié des hommes ; cela n’a rien d’étonnant, puisque les malins esprits ont pu être les témoins des faits ou des événements sur lesquels on interroge les devins.
2° Le démon peut aussi connaître les choses cachées du temps présent que notre œil ne saurait percevoir et même les faits qui se passent à une grande distance de nous. Le démon, en effet, étant un esprit simple et n’étant pas obligé d’avoir recours, comme nous, à des organes corporels pour connaître les choses, peut voir en un instant beaucoup plus d’objets que nous et en même temps d’une manière plus claire et plus distincte. Crésus, roi de Lydie, voulut un jour, dit Hérodote, éprouver le fameux oracle de Delphes avant de lui demander conseil. Il envoya donc des messagers de Sardes à Delphes avec l’ordre d’aller consulter l’oracle, le centième jour après leur départ, et de lui demander ce que leur roi faisait ce jour-là. Les messagers consultèrent l’oracle, comme il leur avait été commandé, et la prêtresse d’Apollon leur répondit : « Mes sens sont frappés par l’odeur d’une tortue qui cuit avec de la viande d’agneau dans un chaudron d’airain, dont le couvercle est aussi d’airain. » Effectivement Crésus lui-même avait en ce moment découpé une tortue et un agneau et les faisait cuire dans un vase d’airain.
Spengler, dans la préface de son édition du traité de Plutarque de la Cessation des oracles, raconte un autre fait non moins remarquable. Un homme d’une des premières familles de Nuremberg vint le trouver un jour et lui apporter une boule de cristal, enveloppée dans un mouchoir, en lui disant qu’il la tenait d’un étranger qu’il avait par hasard rencontré au marché longtemps auparavant et auquel il avait accordé l’hospitalité pendant trois jours. L’étranger, en le quittant, lui avait laissé comme souvenir ce cristal, en lui disant que, s’il désirait savoir quelque chose de secret, il n’avait qu’à prendre un enfant innocent encore et lui dire de regarder dans ce cristal, et que l’enfant verrait et lui montrerait tout ce qu’il désirerait savoir. Le Nurembergeois ajouta qu’il n’avait jamais été trompé et qu’il avait appris des choses merveilleuses par ce moyen, tandis que les autres ne voyaient qu’un beau morceau de cristal bien pur, à l’exception cependant de sa ménagère, qui, étant devenue enceinte d’un garçon, y voyait également des figures, par l’intermédiaire, sans doute, de l’enfant qu’elle portait dans son sein. On voyait d’abord un homme habillé comme on l’était à l’époque ; puis ce qu’on avait demandé se présentait sous une forme visible ; et lorsque tout était fini, la figure de l’homme s’en allait et tout le reste disparaissait. L’homme qui apparaissait avait été souvent aperçu parcourant la ville ou entrant dans les églises. La chose était bientôt devenue publique à Nuremberg, de sorte que lorsque quelqu’un niait la vérité ou cachait une faute, on avait coutume de le menacer de l’homme de cristal. Une fois même des savants proposèrent à celui-ci un point qui leur paraissait obscur et ils lurent la réponse dans le cristal. Le possesseur de ce trésor avait déjà auparavant fait part de la chose à Spengler, mais depuis lors ses scrupules avaient augmenté. Il revint donc un jour et lui dit qu’il croyait ne plus pouvoir se servir du cristal, qu’il était convaincu qu’il avait péché gravement et que depuis longtemps il était tourmenté par sa conscience à ce sujet, qu’il venait lui remettre ce qu’il avait reçu, et qu’il lui permettait d’en faire ce qu’il voudrait. Spengler loua sa résolution, prit le cristal, et, après l’avoir brisé en morceaux, le jeta dans les latrines, avec le mouchoir de soie qui l’enveloppait.
Certainement Spengler fit très bien de détruire ce cristal, parce qu’il est évident que le démon s’en servait pour découvrir aux hommes les choses secrètes qu’ils désiraient savoir et qu’il connaissait parfaitement lui-même.
Bien que le démon connaisse les choses cachées et éloignées, on aurait tort de croire tout ce qu’il révèle à ses suppôts, on ne doit jamais oublier qu’il est toujours l’esprit du mensonge et de l’erreur et que s’il dit quelque fois la vérité, ce n’est que pour gagner la confiance des mortels afin de les décevoir plus aisément quand son intérêt le portera à donner des réponses mensongères ou à manifester des figures trompeuses. Les exemples de ce genre sont innombrables, mais, pour n’être pas trop long, nous nous bornerons à donner le suivant que nous tenons de Cantipré :
« Lorsque maître Conrad prêchait contre les hérétiques en Allemagne, où il souffrit le martyre, un de ces hérétiques, comme me l’a rapporté frère Conrad, provincial des Dominicains en Allemagne, voulut gagner à l’hérésie un frère du même ordre. Ne pouvant y réussir, il lui dit : « Tu es bien opiniâtre dans ta foi, et pourtant ce que tu en sais, tu ne le sais que par l’Ecriture. Si tu voulais croire à mes paroles, je te ferais voir de tes yeux le Christ, sa mère et les saints. » Le frère soupçonna quelque illusion du démon ; mais voulant voir ce qu’il en était, il dit au sectaire : « Je pourrais ajouter foi à tes paroles, si tu pouvais toi-même faire ce que tu viens de me dire. » L’hérétique, plein de joie, fixa un jour au frère. Mais celui-ci prit avec lui en secret sous son manteau le corps du Christ (la sainte Eucharistie). L’hérétique le conduisit dans le creux d’une montagne et de là le fit entrer dans un vaste palais tout éclatant de lumière. Là ils virent des trônes qui semblaient faits de l’or le plus pur et sur lesquels étaient assis un roi et une reine éclatante de beauté. Ils étaient entourés d’anges, des patriarches et des apôtres. L’hérétique se prosterna devant eux, mais le frère se tint immobile, étonné du spectacle qu’il avait sous les yeux. Son introducteur, se tournant vers lui, lui dit : « Pourquoi n’adores-tu pas le Fils de Dieu qui est là devant toi ? Avance, rends-lui hommage, et reçois de sa bouche les mystères de notre foi.» Le frère, approchant, tira de dessous son manteau la custode et la présenta à la reine qui était assise sur le trône en lui disant : « Si tu es vraiment la reine et la mère du Christ, voici ton fils ! Si tu le reconnais, moi aussi je te reconnaîtrai pour sa mère. » A peine avait-il parlé, que toute cette fantasmagorie disparut. À l’éclat qui remplissait le palais succédèrent les ténèbres, de sorte que le frère ainsi que son conducteur eurent peine à retrouver la porte. Ce dernier, effrayé de ce qu’il avait vu, revint à la foi.» (Lib. I, cap. XXV Apum.)
Nous voyons dans cette histoire toute la supercherie du démon qui, pour maintenir cet hérétique dans l’erreur et y faire tomber ce Dominicain, avait promis de leur montrer Jésus-Christ avec sa sainte Mère et les saints ; mais l’issue montra que toute cette belle apparition n’était pas autre chose qu’une pure illusion produite par les esprits de ténèbres qui savent à l’occasion, se transformer en anges de lumière pour mieux atteindre le but détestable qu’ils se proposent.
Ajoutons à cela que les devins, qui sont les interprètes du démon et qui se sont rendus dignes de ses entretiens par toute sorte de crimes, méritent bien peu de confiance dans leurs réponses : lors même qu’ils apprendraient du malin esprit la vérité des choses présentes ou éloignées, le moindre intérêt personnel pourrait les en faire dévier et les porter à fourvoyer ceux qui les consultent. Quelle n’est donc pas l’imprudence de ceux qui se permettent d’aller les consulter et qui se fient à leurs réponses comme à des oracles infaillibles !
Le démon connaît aussi les péchés des hommes, quelque secrets qu’ils soient pour les autres ; mais les péchés qui ont été effacés par une bonne confession échappent à sa connaissance, sans doute parce que Dieu, qui les a pardonnés, lui en fait perdre le souvenir. Ceci ressort clairement du trait suivant dont les détails sont aussi intéressants qu’instructifs.
A l’époque où Olivier, écolâtre de Cologne, prêchait la croisade en Belgique, il y avait une jeune fille de Nivelle, très pieuse et très fière du vœu de chasteté qu’elle avait fait. Le démon, jaloux de sa vertu, lui apparut sous la forme d’un jeune homme bien mis et de bonnes manières, cherchant à la gagner par des paroles agréables, lui vantant les douceurs du mariage et la prétendue supériorité de cet état sur la virginité ! La jeune fille, ne le connaissant point, lui répondit qu’elle ne voulait point se marier, et qu’elle avait renoncé au mariage afin de se donner toute à Dieu.
Le démon continuant ses poursuites, elle commença à concevoir des soupçons ; car elle n’ignorait pas qu’il y avait beaucoup d’autres jeunes filles plus belles, plus riches et plus nobles qu’elle. Elle lui dit donc un jour : « Mon beau monsieur, qui êtes-vous pour désirer ainsi de m’épouser ? » Le démon hésita d’abord à répondre, dans la crainte de se trahir, mais la jeune fille n’en devint que plus pressante dans ses questions et il fut obligé de lui dire qui il était. Elle fut, comme on le conçoit bien, grandement effrayée en apprenant qu’elle avait affaire réellement au démon et lui dit : « Comment peux-tu désirer un mariage charnel si contraire à ta nature ? » Il lui répondit : « Donne-moi seulement ton consentement, je ne veux rien autre chose. — Je renonce entièrement à toi », lui dit-elle, et elle le chassa aussitôt avec le signe de la croix. Elle alla trouver un prêtre auquel elle découvrit les poursuites du démon et qui lui enseigna comment elle devait se conduire à son égard.
Le démon ne cessa point ses poursuites mais il ne lui parlait plus que de loin, et la tourmentait en toute manière, jetant des ordures dans son plat, quand elle mangeait, répondant lui-même aux questions qu’on adressait à la jeune fille, révélant les péchés de ceux qui étaient présents et qu’il connaissait tous, excepté ceux qu’on avait confessés avec les conditions requises, jetant sur les assistants de la boue, des morceaux de pots cassés pleins d’ordure. Tous ceux qui étaient présents l’entendaient, mais il n’était vu que de la jeune fille. Quelques-uns lui ayant demandé s’il savait l’Oraison dominicale, il répondit que oui ; mais, quand il voulut la réciter, il fit beaucoup de fautes, passant des mots, en employant d’autres qui n’étaient pas latins ; puis il dit en riant : « C’est ainsi que vous autres laïques avez coutume de prier. » Il en fut de même du Credo. Il est remarquable qu’on ne put jamais l’amener à dire Credo in Deum (je crois en Dieu), mais qu’il disait toujours Credo Deum (je crois Dieu). Il ne put pas même commencer l’Ave Maria, probablement à cause de la grandeur du mystère de l’Incarnation qu’il rappelle. On lui demanda pourquoi il avait une voix si rauque ; il répondit : « Parce que je brûle toujours. »
Près de la maison où habitait la jeune fille, demeurait un homme qui aurait bien voulu entendre le démon, mais qui n’osait approcher de lui à cause de certains péchés secrets qu’il avait commis. Il alla donc à confesse pour les accuser, mais en gardant la volonté de les commettre de nouveau. À peine eut-il mis le pied sur le seuil de la porte, que le démon lui cria : « Viens, mon ami, tu t’es bien blanchi.» Et tout aussitôt il se mit à lui reprocher ses péchés, de sorte que le malheureux aurait voulu être à cent lieues de là ! Il se retira triste et humilié et retourna à confesse, mais avec le ferme propos de ne plus pécher à l’avenir. Le prêtre lui dit : « Vous pouvez retourner maintenant, le démon ne vous dira plus rien. » Comme il rentrait dans la maison qu’habitait la jeune fille, un des assistants dit au diable « Voici ton ami qui revient te visiter » Le démon demanda quel était cet homme, et comme on lui répondit que c’était celui dont il avait dit tant de mal la veille, il dit : « Comment cela se peut-il ? Je ne sais aucun mal de lui. » Les assistants, ignorant que cet homme était allé à confesse, crurent que le démon l’avait calomnié. Cette histoire est racontée par Césaire d’Heisterbach ; il la tenait lui-même d’un moine de son ordre, qui prêchait la croisade avec Olivier.
3° Le démon ne saurait connaître d’une manière sûre les futurs contingents, c’est-à-dire les choses futures qui dépendent de la volonté libre des hommes ; Dieu seul connaît ces sortes de choses par la perfection qui s’appelle prescience. Mais, quoique le malin esprit ne connaisse pas les événements futurs de cette espèce, il ne laisse pas de répondre là-dessus à ceux qui le consultent.
À peine l’empereur Néron eut-il passé sa trentième année, qu’il fit consulter l’oracle de Delphes pour savoir combien de temps il avait encore à vivre. Il lui fut répondu qu’il devait se défier de sa soixante-treizième année. Plein de confiance dans cette réponse, il se laissa aller aux actes les plus arbitraires et s’adonna aux excès les plus révoltants ; aussi il se vit bientôt abandonné de ses partisans, fut obligé de prendre la fuite et se donna lui-même la mort à l’âge le plus florissant de sa vie. (Lohn., Bibl., III, 273.) Les devins et les aruspices dissuadèrent César de faire voile pour l’Afrique avant l’hiver ; mais le général romain, se moquant de leurs prédictions, s’embarqua dans le temps même qu’il avait résolu de faire cette expédition, et il eut bien raison, car il remporta une éclatante victoire. (Ibid.)
Quelquefois le démon, craignant de se compromettre en prédisant les choses futures qu’il ignore absolument a recours à une gasconnade ou à une réponse ambiguë. Lorsque, par exemple, il fut consulté par Pyrrhus qui songeait à attaquer les Romains, il répondit par l’oracle : Aio te, Æacide, Romanos vincere posse, ce qui veut dire : Descendant d’Eaque, je déclare que tu peux vaincre les Romains ; ou bien également : Descendant d’Eaque, je déclare que les Romains peuvent te vaincre. Avec de pareils jeux de mots, les oracles étaient sûrs de n’être jamais trouvés en défaut.
Cependant nous devons observer que si le démon est incapable de connaître les futurs contingents d’une manière certaine, il peut, parfois, les conjecturer d’après la similitude des circonstances qu’ils ont avec des événements déjà passés :
- 1° parce qu’il est doué d’une nature très subtile, qu’il a acquis une très grande expérience et qu’il a remarqué mille fois ce qui a lieu généralement dans telles et telles circonstances, même avec des causes libres ; ce qui fait qu’en certaines occasions, il conjecture juste les actions futures qui dépendent même de la volonté libre des hommes.
- 2° Comme le médecin parvient à connaître l’état du malade en lui tâtant le pouls, en lui regardant la langue et en observant la couleur de ses déjections, ainsi le démon, à la vue des signes provenant de l’esprit de l’homme, peut juger de ce qui se passe en lui actuellement et de ce qui se passera en lui dans la suite ; il connaît, en effet, les inclinations et les instincts de l’homme, et il conjecture avec vraisemblance ce qui doit s’ensuivre.
- 3° Il prédit quelquefois les maladies, la mort, les tempêtes, les naufrages, les calamités, parce qu’il connaît exactement toutes les causes naturelles avec la puissance de chacune, et par là même il peut prévoir avec une certitude morale les effets qu’elles produiront. Enfin il connaît ce que les autres démons, ses complices, feront plus tard avec la permission de Dieu, et il lui est aisé de le prédire aux hommes.
- 4° Quelquefois, mais rarement, Dieu oblige le démon ou ses suppôts à prédire des événements vrais, c’est-à-dire qui doivent réellement avoir lieu ; c’est ce que nous voyons dans l’histoire de Balaam : Balaam était un magicien vendu au démon ; néanmoins, lorsque Balac, roi ennemi des Israélites, l’eut conduit jusqu’à la vue du peuple de Dieu pour le maudire, il se mit à prédire, malgré lui, l’Étoile mystérieuse qui devait se lever de Jacob sur le monde. (Num., XXIV.)
On croit généralement que la venue de Jésus-Christ a été prédite aussi, sous l’inspiration exceptionnelle du Saint-Esprit, par les sibylles, ou prophétesses qui ont vécu dans le paganisme. Les Pères de l’Église se sont beaucoup occupés de ce sujet, et pour un grand nombre la mémoire des sibylles est respectable et ils les ont regardées comme inspirées de Dieu, au moins pour certaines prédictions. L’Église elle-même n’a pas dédaigné de rapporter le témoignage des sibylles dans la prose de la messe pour les défunts (1). Dans plusieurs églises d’Italie la sibylle d’Erythrée est représentée disant : « Dieu a regardé les humbles du haut des cieux, et il naîtra bientôt un Sauveur d’une vierge juive. » Là aussi on voit la sibylle de Cumes qui dit : « L’arrêt de mort finira au bout de trois jours de sommeil » ; et celle de Libye : « Il tombera dans des mains iniques, et de leurs mains impures ils lui donneront des soufflets ; misérable et couvert d’ignominie il sera l’espoir des malheureux. » Puis la sibylle Tiburtine, ainsi appelée par ceux qui, sur le Tibre, l’adoraient comme une divinité, fait entendre cet oracle : « Le Christ naît à Bethléem ; il sera annoncé à Nazareth, sous le règne du taureau pacifique ; fondateur du repos, heureuse la mère qui l’allaitera. » (Anthropologie catholique, livraison du 15 janvier 1847, p. 17.)
On raconte que l’empereur Auguste, voulant savoir quel serait son successeur sur le trône impérial, offrit une hécatombe à Apollon et lui demanda pendant vingt-un jours de le lui faire connaître, mais le dieu restait toujours muet. Auguste offrit une seconde hécatombe et interrogea en même temps l’oracle sur la cause de son silence. Enfin il reçut cette réponse :
Un enfant des Hébreux, le Dieu par excellence,
M’interdit ce séjour, et, loin de mes autels,
Dans les sombres cachots, me condamne au silence.
Lorsque l’empereur fut de retour à Rome, il fit ériger un autel au nouveau Dieu à la place où fut bâtie plus tard l’église Ara-Cœli, dédiée à la très sainte Vierge, parce qu’il avait lu dans les livres des sibylles qu’une Vierge mettrait au monde un enfant qui serait Dieu. (Ausden. Exemp. des Daveroultius.)
On dit encore qu’à l’époque de la naissance de Jésus-Christ, on vit à Rome le soleil entouré d’un cercle d’or, au milieu duquel était une Vierge montrant un enfant dans ses bras. Une devineresse, animée de l’esprit prophétique, déclara que cet enfant serait le Seigneur de l’univers auquel tous les rois seraient forcés d’obéir. C’est pourquoi l’empereur romain défendit qu’on lui donnât désormais le titre de Seigneur. (Innoc., Serm. 2 de natal. Dom. ; cf. Sueton., in Octav. cap. xc, et Plin, Lib. II, Hist., cap. XXVIII.)
Mais, dans les temps anciens, ce n’a été que rarement que les suppôts de Satan ont été inspirés de Dieu pour prédire les événements futurs, et, à notre époque, il est inouï que les devins, vendus au démon, servent d’organes à l’Esprit-Saint pour faire connaître l’avenir aux hommes.
Si donc les devins parviennent à révéler les choses cachées ou futures, ce ne peut se faire que par l’intervention du malin esprit, et il est évident qu’on ne saurait recourir à eux et mettre sa confiance dans leurs réponses sans se rendre gravement coupable, à moins que l’ignorance et la simplicité n’excusent jusqu’à un certain point. Aussi cette sorte de superstition a-t-elle été expressément condamnée par les conciles et les souverains Pontifes.
On le voit, le démon, vaincu dans l’idolâtrie en Europe, n’en a pas moins persisté à vouloir aller de pair avec l’Être Suprême et se faire adorer des hommes ; mais il y procède moins ouvertement qu’autrefois, s’affublant de la peau du renard, selon l’expression de l’abbé Moitrier, depuis qu’il a été dépouillé par Jésus-Christ de celle du lion. Dans ce but, le démon a inventé la divination, la magie et une foule de superstitions dont d’innocentes apparences favorisent tellement le règne parmi les hommes, que ces pratiques diaboliques ne laissent pas de produire presque le même effet que faisait autrefois l’idolâtrie.
1 Solvet sæclum in favillâ, teste David cum sibyllâ
Extrait du livre : Guerre a Satan, l’éternel ennemi du genre humain. 1892 – Par un missionnaire apostolique
J’en ferai de même de ceux qui consultent les médiums et les devins pour se prostituer à eux : je me retournerai contre eux et je les retrancherai de leur peuple. Vous vous rendrez saints et vous le resterez ; car je suis l’Éternel, votre Dieu. Vous observerez mes ordonnances et vous y obéirez. Je suis l’Éternel qui vous rends saints.